La fondation de la forteresse de la Goulette remonte au seizième siècle. Regards sur la longue histoire d’un monument historique.
Mais que signifie au juste, le mot « karraka » avec lequel nous désignons le fort de la Goulette ? Pour la langue tunisienne, ce mot a pris le sens de pénitencier puisqu’au dix-neuvième siècle, l’édifice goulettois avait été utilisé comme prison.
Toutefois, le mot « karraka » a indubitablement une origine espagnole. En effet, ce terme désigne une embarcation, un type de navire nommé « carraca ». Par extension, le terme a fini par désigner un arsenal voire la fortification protégeant l’arsenal.
Il existe par exemple une carraca à Cadix qui est l’arsenal de cette ville. De même, le nom de la capitale du Venezuela, Carracas, n’est autre que le pluriel de « carraca ». Enfin, pour l’anecdote, la Santa Maria de Christophe Colomb, le vaisseau ayant traversé l’Atlantique, était une « carraca ».
Revenons maintenant à la Goulette pour remonter l’histoire de notre Karraka que nous orthographions avec la lettre « k » pour des raisons phonétiques.
Au seizième siècle, au temps de Charles Quint, une forteresse fut édifiée à La Goulette. De forme carrée, ce bâtiment défensif avait alors été renforcé par quatre bastions. Ces bastions portaient les noms de Saint-Michel, Saint-Jacques, Saint-Georges et Sainte-Barbe.
La citadelle de La Goulette dans son ensemble avait été construite par les gouverneurs espagnols durant l’occupation qu dura de 1535 à 1574. En fait, cette fortification réputée imprenable ne put résister à l’assaut des troupes ottomanes qui y firent des brèches grâce à leur artillerie et purent pénétrer dans La Goulette.
A cette époque, la forteresse initiale avait été renforcée par une enceinte munie de six bastions. Elevée sous Philippe II, cette muraille avait circonscrit deux parties différentes dans ce qui fut La Goulette de l’époque. Il y avait d’une part la forteresse initiale qui était appelée Vieille Goulette et d’autre part, l’enceinte aux six bastions nommée Nouvelle Goulette.
Les Turcs parvinrent à bout des deux fortifications et s’emparèrent de la ville. Après l’assaut et la prise de La Goulette, les Turcs remirent en état deux bastions de la Vieille Goulette pour assurer la protection des lieux.
Ils maintiendront une garnison d’une trentaine de janissaires pour la surveillance du port. Toutefois, La Goulette demeurera disputée et les incursions pouvaient être redoutables à l’image des six galères maltaises qui en 1640 purent pénétrer dans la rade et s’emparer de bateaux corsaires sans que la puissance de feu du fort ne les en empêche.
Cet incident poussa le dey Ahmed Khodja à construire un nouveau fort pour défendre le port de manière plus efficace. De la sorte, au dix-septième siècle, La Goulette fut pourvue de deux forts pour assurer sa protection. L’un de forme carrée était hérité des Espagnols et l’autre, d forme arrondie, avait été construit par le dey. Un plan manuscrit de 1743 confirme cela.
On y voit le vieux fort espagnol avec ses deux bastions, le nouveau fort de Ahmed Dey et, entre les deux, le canal entre le lac et la mer.
Notons enfin que la Karraka faisait partie d’une ligne de fortifications censées protéger Tunis. Après le fort goulettois, le fort de l’île de Chikly complétait cette ligne défensive qui aboutissait à la Nova Arx et ses bastions à l’orée de la ville de Tunis.