Depuis 1958, ils avaient pour coutume de cĂ©lĂ©brer leur anniversaire de mariage chaque 15 septembre. Parfois, un simple dĂ®ner Ă la maison suffisait amplement. D’autres fois, en amoureux, ils Ă©taient de sortie et se chantaient dans des chuchotements complices les rengaines Ă la mode.
Ainsi, ils se repassaient les tubes du moment et, comme tous ces couples des fifties, rĂŞvaient d’amour, de vie simple et de modernitĂ©.
La génération du devoir
Les enfants sont nĂ©s dans cette atmosphère studieuse et ces dĂ©sirs de dĂ©couverte. NĂ©jib aimait beaucoup lire et chaque semaine ou chaque mois, il dĂ©vorait « Historia », « Science et Vie » ou « SĂ©lection du Reader’s Digest ». Comme toute la Tunisie, il Ă©tait adepte du savoir et cultivait son jardin tout en travaillant pour le progrès du pays.
Parce que toute cette gĂ©nĂ©ration Ă©tait imprĂ©gnĂ©e du devoir de construire une nation, je crois qu’elle a fait passer la Tunisie avant mĂŞme la famille. Cet enthousiasme fondateur Ă©tait perceptible partout et demeure Ă©tonnamment vivace dans cette tranche d’âge, galvanisĂ©e par les discours de Bourguiba et l’Ă©lan du mouvement national.
MĂŞmes initiales pour tous !
Malicieux, NĂ©jib l’Ă©tait Ă fond. Il dĂ©cida ainsi de donner Ă tous ses enfants des prĂ©noms commençant par la lettre « n ». De la sorte, Ă la maison, tout le monde avait les mĂŞmes initiales… Parfois farfelu, parfois rigoureux, souvent artiste et toujours constant, NĂ©jib construira une famille soudĂ©e, harmonieuse, gĂ©nĂ©reuse…
Pour la première fois depuis leurs noces en 1957, Najet passera son Aid sans son Ă©poux et compagnon de vie qui, en mai dernier, a rejoint sa dernière demeure. Ce 15 septembre aussi n’aura pas les saveurs de presque soixante ans de mariage. Peut-ĂŞtre pensera-t-elle Ă NĂ©jib en son for intĂ©rieur ? Peut-ĂŞtre qu’invisible aux yeux de tous, son âme survolera la rĂ©union de famille ?
La mémoire vive de ceux que nous aimons
EntourĂ©e de ses enfants, Najet cĂ©lĂ©brera aujourd’hui, en cette veille d’Aid, le premier « korbane » de son regrettĂ© Ă©poux. Comme le veut la tradition, elle fera des prĂ©sents aux plus dĂ©munis et commĂ©morera les mânes de son Ă©poux disparu.
Ils seront nombreux celles et ceux qui, en ces jours bĂ©nis des dieux, raviveront le souvenir d’un proche ayant rejoint l’Ă©ternitĂ©. Ils seront nombreux celles et ceux pour lesquels nous aurons une pensĂ©e moins d’un an après leur disparition.
Le « korbane » des âmes charitables
Qu’ils soient nos parents, nos amis ou encore nos proches ou nos voisins, je crois que c’est vers eux que vont nos pensĂ©es cette veille de cĂ©lĂ©bration, ce jour traditionnel de « korbane »…
Ce terme hĂ©breu de « korbane » qui signifie « sacrifice » et que nous connaissons Ă travers le turc, dĂ©signe en effet l’offrande d’un mouton qui est faite aux pauvres en mĂ©moire d’un parent dĂ©cĂ©dĂ© au cours de l’annĂ©e Ă©coulĂ©e.
Aid mabrouk Ă toutes et Ă tous, avec une pensĂ©e pour toutes les nobles figures qui sont parties…
H.B.
