Existerait-il une malédiction qui pèse sur les festivals de jazz ? Pourquoi ces manifestations sont-elles souvent mises en échec par un contexte hostile alors qu’elles sont plébiscitées par le public ?
Ces questions peuvent se poser lorsqu’on constate que de Tabarka à Carthage en passant par El Kef ou Hammamet, les quelques festivals de jazz en Tunisie demeurent toujours sous la menace diffuse de disparaitre.
Le temps de Carthage et Antibes
Dans le temps, le plus grand festival de jazz en Tunisie, c’était le festival de Carthage qui, après avoir accueilli les plus grands artistes de la scène jazz a aujourd’hui profondément changé de vocation.
Dans le temps, le festival international de Carthage avait une entente tacite avec le festival de jazz d’Antibes, dans le sud de la France et les artistes qui passaient par Antibes se faisaient alors un devoir et un plaisir de faire un crochet par Carthage.
Le courage de Mourad Mathari et l’appui d’Ooreedo
Contre vents et marées, Mourad Mathari a maintenu cette tradition en faisant renaitre un festival de jazz il y a maintenant douze ans.
Avec l’appui décisif de Ooreedo, Mourad Mathari à qui nous devons aussi « Mûsiqat », est parvenu à maintenir l’étincelle du swing et du free avec « Jazz à Carthage by Ooreedo ».
Session après session, la scène jazz tunisienne a pu ainsi accueillir stars de toujours et formations nouvelles au grand bonheur du public.
Le hold up des JMC torpille « Jazz à Carthage »
Malheureusement, il semble bien que ce festival vive des moments difficiles depuis la fondation, il y a trois ans des Journées musicales de Carthage (JMC), une initiative du ministère de la Culture, qui s’est approprié les dates de Jazz à Carthage, atténuant ainsi la visibilité de ce festival.
L’année écoulée, tous les observateurs ainsi que le public avaient déploré que deux festivals de musique se déroulent en même temps. Pour cette saison culturelle, c’est rebelote puisque aussi bien « Jazz à Carthage » que les JMC devraient se dérouler du 8 au 15 avril 2017.
Les conséquences sont prévisibles puisque les sponsors historiques de « Jazz à Carthage » se voient amoindris en termes de diffusion et pourraient envisager de diminuer leur soutien si précieux à ce festival.
Il faut sauver ce festival si singulier
Les conséquences de cette »concurrence déloyale » des JMC (qui contribuent ainsi à torpiller un festival privé avec les moyens du service public) sont à déplorer par tout le public de la musique.
Avec beaucoup d’amertume, Mourad Mathari vient de s’exprimer dans un post sur sa page facebook. Il annonce à demi-mots la possible disparition de « Jazz à Carthage », ce qui serait catastrophique pour la seule manifestation de qualité qui réunisse le public jazz.
Que faire ? Faudrait-il se résigner à se taire devant une OPA hostile qui casse un festival antérieur pour le supplanter ?
Le service public ne devrait-il pas soutenir l’initiative privée ?
Faudrait-il laisser mourir le seul festival de jazz digne de ce nom ? Il est évident que le ministère des Affaires culturelles, dans sa mission de service public, devrait veiller à l’équité, le respect de l’éthique et le soutien aux initiatives privées.
Pour sauver « Jazz à Carthage », il faudrait lui rendre sa place dans le calendrier, synonyme de soutien de la part de ses sponsors. Il faudrait aussi étudier des mécanismes de partenariat qui puissent faire de ce festival un fleuron durable de la scène culturelle tunisienne.
Nous sommes nombreux à être de tout cœur avec « Jazz à Carthage » et ce serait un bien mauvais signe si ce festival et d’autres manifestations nées de l’initiative privée disparaissaient.
H.B.