L’actualitĂ© de ces derniers jours est venu nous rappeler que les associations et Ă©coles dites coraniques ont essaimĂ© aux quatre coins de la RĂ©publique.
RĂ©pandues grâce Ă l’argent des activistes wahabites du Golfe arabe, tacitement soutenues par les courants islamistes tunisiens, y compris ceux qui prĂ©tendent ne plus mĂŞler religion et politique, ces officines pullulent.
Il est bien Ă©vident que depuis la mise sous les projecteurs de celle de Regueb et les rĂ©actions fĂ©briles de quelques gouverneurs, ce qui devait ĂŞtre cachĂ© aux yeux de l’opinion l’a Ă©tĂ© et que ces espaces concentrationnaires ont remis un semblant d’ordre dans leurs affaires.
De manière insupportable, cette affaire de Regueb est en voie d’ĂŞtre classĂ©e. Les enfants sĂ©questrĂ©s ont Ă©tĂ© rendus Ă leurs familles pourtant conniventes des sectaires qui les embrigadaient.
Est-ce Ă dire que ces parents sont au-dessus de tout reproche ? Est-ce Ă dire qu’ils sortent de ce scandale blancs comme neige alors qu’ils avaient littĂ©ralement cĂ©dĂ© leurs enfants Ă une secte ? Est-ce Ă dire que leur responsabilitĂ© parentale n’est engagĂ©e en rien ?
L’on ne sait plus que penser devant cette incroyable situation. Mais d’ores et dĂ©jĂ , la tendance s’annonce au laxisme et le coup de balai attendu pour Ă©liminer ces sectes criminelles n’aura probablement pas lieu.
Quant au gourou de la secte, malgrĂ© des faits qui sont avĂ©rĂ©s et des maltraitances documentĂ©es, le voici jugĂ© et embastillĂ© pour concubinage alors que ses mĂ©faits sont d’un tout autre ordre.
La parenthèse est en passe de se refermer sur cette triste affaire oĂą pĂ©dophilie, sĂ©vices corporels, travail forcĂ© ont Ă©tĂ© Ă©voquĂ©s. Circulez, il n’y a rien Ă voir et puis de toute façon, la RĂ©publique est en panne.
Si cette affaire (et la forĂŞt sectaire qu’elle cache) est Ă©ludĂ©e, escamotĂ©e dans les sables mouvants des procĂ©dures et des connivences, cela signifie au fond que nous accordons droit de citĂ© Ă ces initiatives douteuses et que nos indignations sont soit feintes soit ponctuelles.
SĂ»r de son bon droit, le Tunistan islamiste pourra ainsi continuer Ă avancer ses pions, enrĂ´ler des jeunes pour les envoyer dans les zones de conflit, endoctriner, intimider et menacer puisque Dieu le veut, selon les lectures obscurantistes de l’Islam qui sont en train de s’emparer de notre pays.
Depuis cette affaire, je ne cesse de me reposer une question et elle me semble centrale: doit-on pour apprendre le Coran ĂŞtre enfermĂ© loin des regards dans un camp d’endoctrinement ?
Est-ce ainsi que l’on apprend le Coran ? Pourquoi l’enfermement et le confinement ainsi que la sortie du monde pour des enfants et des adolescents qui ne sont pas juridiquement aptes Ă donner leur consentement ?
Ces questions se posent aujourd’hui dans toute leur acuitĂ© et il devient urgent qu’une jurisprudence vienne dire le droit dans ce contexte tĂ©nĂ©breux.
Pour ma part, j’ai acquis ma connaissance du Coran dans un kotteb et auprès de mes aĂ®nĂ©s.
Les bases de l’enseignement religieux Ă©taient enseignĂ©es dans chaque quartier et les Ă©coles coraniques de ce type sont toujours nombreuses quoique disputĂ©es en termes d’influence par certains courants rigoristes.
ComplĂ©mentaire de l’Ă©cole, le kotteb est l’Ă©quivalent de la yeshiva que frĂ©quentent les enfants juifs et du catĂ©chisme des petits catholiques.
De nos jours, les esprits sectaires et les faussaires de la religion tentent de s’emparer de cette institution du kotteb, la dĂ©tourner de ses fins et la transformer en medersa Ă l’afghane.
Car il ne fait pas de doute que ce camp de Regueb est pensĂ© et mis en oeuvre comme ces medersas d’Afghanistan, berceau des talibans, de l’extrĂ©misme et de la violence au nom de Dieu.
Ces medersas sont un maillon important dans la doctrine des thĂ©oriciens de l’Islam politique tunisien. C’est grâce Ă elles qu’ils escomptent laver les cerveaux et formater les nouvelles gĂ©nĂ©rations. C’est grâce Ă elles qu’ils pensent alimenter leur rĂ©servoir humain et couper les enfants de la modernitĂ© pour les plonger dans l’obscurantisme.
C’est aussi grâce Ă nous autres – dĂ©missionnaires, myopes et essoufflĂ©s – que ces medersas pullulent dans un silence coupable. Concevoir et accepter qu’on puisse y enseigner le Coran est un crime contre la Tunisie, contre la RĂ©publique et contre la libertĂ© de conscience.
Désormais, nous cohabitons avec des camps de concentration qui ne disent pas leur nom et nous taisons sur cette dérive.
DĂ©sormais, des partis politiques et un gouvernement complices osent parler de dĂ©mocratie alors que le pays s’enfonce dans un Islam aussi sectaire que primaire Ă la grande satisfaction des courants salafistes.
DĂ©sormais, nous parlons de protection de l’enfance alors que des sectes pratiquent une sorte d’eugĂ©nisme dans le mĂŞme dessein que le docteur Moreau et ses chimères.
DĂ©sormais, il est plus que temps de nous regarder dans un miroir, avouer nos lâchetĂ©s et nos dĂ©missions, commencer des autocritiques salvatrices et penser sĂ©rieusement Ă l’avenir de nos enfants et au futur proche qui guette notre pays.
Dans cette Tunisie d’Ennahdha – qui gouverne en coulisses et instrumentalise Dieu, la dĂ©mocratie et les commis de l’Etat -, il ne fait pas bon vivre et il n’est pas trop tard pour le dire et agir.
Car, je le répète, nul ne doit être condamné à apprendre le Coran dans un camp de concentration financé par des mains occultes à coups de milliards.
