Difficile de ne pas se comporter en glouton avec ces jours de l’Aid et leur cortège de pâtisseries en tous genres.
Douceurs tous azimuts!
Comment ne pas voter pour Madame Ellouze, Madame Zarrouk, Madame Bornaz, Madame Masmoudi ou Madame Boukhris ?
Leurs pâtisseries valent certainement mieux que certains discours, doucereux en surface et nausĂ©abonds dès qu’on les regarde de plus près. Avec elles, baklawa, bejaouia, mlabess, touajen et kaak vous tendent les bras pour un Aid de toutes les douceurs de la tradition.
Les mille couleurs des foutas et blouzas
Il n’en reste pas moins que je demeure nostalgique, dĂ©finitivement nostalgique, de la baklawa de ma grand-mère…
C’Ă©tait il y a si longtemps et le monde avait les mille couleurs des foutas et blouzas de nos aĂŻeules. C’est ce qui le rend chatoyant Ă mes yeux quand j’y repense.
Des robes multicolores, des tantes plutôt âgées qui fumaient en cachette du pater familias, un travail qui ne finissait jamais mais était adouci par le thé vert, les « charbet » (où le mot sorbet trouve son origine) et la « fekia » pour laquelle on ressortait le casse-noisette.
La saison de la baklawa
Vers la fin du Ramadan, la maisonnĂ©e vibrait comme si c’Ă©tait l’heure d’une deuxième « oula ». C’Ă©tait le temps des gâteaux, des « sinias » qu’on ressortait de la pĂ©nombre des « maksouras », celui des amandes qui subissaient diffĂ©rentes Ă©tapes de prĂ©paration et n’Ă©chappaient pas aux chapardages des enfants.
Les amandes arrivaient dans de gros sacs. Dans un premier temps, elles Ă©taient plongĂ©es dans un bain d’eau pour perdre leur enveloppe. Ensuite, elles Ă©taient mises Ă sĂ©cher au soleil puis passĂ©es au four. Elles seront alors soigneusement pilĂ©es pour devenir baklawa.
La prĂ©paration de la baklawa obĂ©issait Ă un rituel bien ordonnancĂ©. On faisait appel Ă la tante Mamia Ă l’allure circassienne et au talent culinaire reconnu de toute la famille. C’Ă©tait elle qui effeuillait la pâte puis la dĂ©posait dĂ©licatement sur la « sinia » oĂą alternaient couches d’amandes et minces feuilles de pâte.
Jneina, Bakhta, Douja et les autres
Tout l’art d’une baklawa rĂ©ussie se cache dans ces gestes, dans la prĂ©cision de leur succession, dans le dosage subtil de certains ingrĂ©dients qui donnent Ă la pâte lĂ©gèretĂ©, uniformitĂ© et consistance.
Ce monde est bien rĂ©volu et, comme pour accentuer l’effacement, mĂŞme les prĂ©noms de cette Ă©poque ont lentement disparu. OĂą sont les Jneina, Bakhta, Douja, Maya ou Toumadher ?
Parfois, je me demande quels sont les prĂ©noms de ces dames qui maintiennent notre tradition pâtissière et, dans mes rĂŞves, elles se prĂ©nomment Essia, Temna, Traki ou Zina…
C’est pour elles que je vote alors que la trĂŞve des confiseurs est dĂ©jĂ derrière nous…
H.B.