Les familles juives tunisiennes viennent de fĂŞter Pessah. Qu’on me permette d’abord de leur souhaiter une bonne fĂŞte, en particulier celles qui depuis longtemps me font une place parmi elles Ă chacune des grandes cĂ©lĂ©brations du calendrier hĂ©braique.
Le seder de Pessah
Il est de coutume pour Pessah de prĂ©parer le « seder », un grand plateau sur lequel sont posĂ©s des aliments qui symbolisent la rĂ©volte du peuple juif contre Pharaon et l’exode Ă travers le dĂ©sert.
Pour se souvenir de cet exode, on place sur le seder des herbes amères et de l’eau salĂ©e. Ces herbes et cette eau ont pour but de souligner l’amertume de la traversĂ©e du dĂ©sert et le goĂ»t saumâtre de l’eau des puits du Sinai.
La symbolique du pain sans levain
On place aussi sur le seder des galettes de pain azyme, un pain sans levain qu’on nomme « massa » au singulier et « matsot » au pluriel.
Ce pain qui n’a pas eu le temps de lever symbolise le dĂ©part prĂ©cipitĂ© du peuple juif d’Egypte. Les juifs tunisiens apprĂ©cient le pain matsot produit Ă Djerba, un pain rustique qui est fait Ă base de blĂ© local qu’on porte au moulin dès qu’il commence Ă ĂŞtre dur.
La bénédiction des galettes
Dans le temps, on fabriquait ce pain Ă Tunis du cĂ´tĂ© de la rue Arago. Aujourd’hui, il est importĂ© d’une cĂ©lèbre biscuiterie d’Agen, en France.
Au milieu du repas, on brise ces galettes en Ă©voquant les douze tribus d’IsraĂ«l qui ont quittĂ© l’Egypte. A la fin du repas, les morceaux de galette sont distribuĂ©s aux prĂ©sents. Certains les garderont toute l’annĂ©e dans une poche, un sac ou un meuble. On croit en effet qu’elles portent une bĂ©nĂ©diction,
Epaule d’agneau et dattes aux Ă©pices
Le seder de Pessah contient aussi une Ă©paule d’agneau, l’Ă©paule droite d’un agneau que, dans le temps, on sacrifiait la veille de la fĂŞte. Cette Ă©paule – « le bras » droit de l’agneau » – symbolise le souffle divin.
Sur le plateau, il y a aussi des Ĺ“ufs. Ces Ĺ“ufs symbolisent le deuil de l’armĂ©e Ă©gyptienne pour se souvenir que la dĂ©livrance Ă©tait aussi au prix de la mort des soldats de Pharaon.
Enfin, une pâte de dattes aux Ă©pices est Ă©galement placĂ©e sur le seder. Dans les familles tunisiennes, on la qualifie de « mortier » pour Ă©voquer l’argile avec laquelle on construisait les abris de fortune.
Kiddouch et chants rituels
La coutume consiste Ă faire passer le seder au-dessus des tĂŞtes des convives presents Ă deux reprises. Ensuite, l’un des prĂ©sents le passera au-dessus de la tĂŞte du maĂ®tre de cĂ©rĂ©monie.
Un chant rituel est alors entonnĂ©: « Etmoul ainou abadi »… Ce chant rappelle la dĂ©livrance des esclaves devenus les enfants de la libertĂ©.
Si la célébration de Pessah intervient le jour du Sabbath, il est aussi de coutume de prononcer un kiddouch, la prière du sixieme jour.
Le « msokki » aux osbenes
Le msokki est en Tunisie le plat essentiel de Pessah. Il s’agit d’une soupe aux lĂ©gumes cuite avec de la viande d’agneau et Ă laquelle on ajoute des galettes Ă la fin, pour lui donner plus de consistance.
On mange le msokki avec des osbenes d’agneau qui lui donnent toute sa saveur.
Dans le temps et, parfois encore Ă Djerba, on sacrifiait un agneau pascal Ă l’occasion de Pessah, la Paque juive.
Les familles qui faisaient ce sacrifice utilisaient certaines parties de l’agneau et soit gardaient soit vendaient le reste Ă un prix modique. Parfois, on donnait cette viande aux indigents.
« Effed » et « Debba haya »
Un autre plat qui fait partie des coutumes de Pessah est le « Effed », une sorte de « kamounia » avec du foie et d’autres morceaux de viande d’agneau.
On mange cette prĂ©paration avec une sorte d’omelette qui est dĂ©signĂ©e sous l’appellation de « debba haya » qui signifie « ourse vivante ». Nul ne saura vous expliquer pourquoi.
Traditionnellement, pour respecter la coutume du pain sans levain, on ne mange pas de patisseries pour Pessah.
Le couscous de la sortie de Pessah
Bien entendu, les dimensions rituelles de Pessah se vivent dans les synagogues. Dans certaines familles, on peut lire le lendemain de la fĂŞte des passages de la Hagada, le livre de l’Exode.
Enfin, il est de coutume de manger la semaine suivant Pessah un couscous aux legumes verts et au beurre. Ce couscous oĂą l’on mettra des fèves, des petits pois, des artichauts et tous les lĂ©gumes verts disponibles est consommĂ© une semaine après Pessah. On le qualifie de couscous de la sortie de Pessah.
En attendant Lag be Omer
Toutes ces coutumes sont relatives. Elles peuvent lĂ©gĂ©rement diffĂ©rer d’une famille Ă une autre. Je vous les rapporte telles que j’ai pu les connaitre et mes propos, s’ils ont valeur de tĂ©moignage, ne sauraient ĂŞtre un reflet absolument exact et universel de ce qui pratique encore dans les familles juives tunisiennes.
En effet, tout est relatif en toute chose! Bonne fĂŞte Ă tous, en attendant Lag be Omer et le pèlerinage de la Ghriba de Djerba…
H.B.
