Il y a des jours comme ça, lorsque le ciel s’assombrit et que les perspectives rĂ©trĂ©cissent. Comme dirait le bon vieux Baudelaire, le ciel bas et lourd pèse comme une chape de plomb alors que tout fout le camp.
Tout Ă leur joie de diriger, les inaptocrates se sont emparĂ©s d’un pays qui, depuis, sombre dans la dĂ©cadence, dĂ©rive Ă n’en plus finir, tangue comme le bateau ivre de toutes nos dĂ©sillusions.
Sept ans pour presque rien ! Pire, sept ans de mensonges éhontés sur fond de bricolages besogneux et de fuites en avant pourtant si résistibles.
Tout s’enfonce dans un pays oĂą un entraĂ®neur de football dĂ©die la victoire de notre Ă©quipe nationale au Qatar, oĂą un ancien prĂ©sident provisoire fort mal Ă©lu fulmine aux quatre vents en multipliant les allĂ©geances et les gĂ©nuflexions Ă l’Ă©gard du mĂŞme Ă©mirat, oĂą des votes pourtant supposĂ©s stratĂ©giques se dĂ©roulent dans l’esprit des fausses copies de potaches, oĂą le dĂ©sespoir mendie Ă chaque coin de rue ou presque, oĂą la jeunesse prĂ©fère mourir en mer que rester, oĂą les rĂŞves de progrès se diluent dans l’Ă©cume des vies ratĂ©es, oblitĂ©rĂ©es, dĂ©truites.
Cette descente aux enfers de tous les instants est accompagnĂ©e par un effondrement du politique. GalvaudĂ©es, les appartenances Ă un camp ou l’autre n’a plus de sens au fil des retournements de vestes et de pantalons. Sans fil conducteur, de nombreux politiciens nĂ©s des pluies de rĂ©volutionnaires naviguent en pleine inaptocratie.
Aucun dessein, aucun credo, aucune Ă©thique parfois. Rien que l’instinct de survie au nom de dĂ©risoires maroquins et de sièges Ă©jectables. Rien que l’hybris dĂ©mesurĂ©e des grenouilles qui se voient aussi grosses que des bĹ“ufs.
Faudrait-il citer Fellag qui s’Ă©tonnait de voir certains responsables continuer Ă creuser alors qu’ils avaient atteint le fond ?
Faudrait-il plutôt citer Coluche et ses technocrates à qui on donnait tout le Sahara et qui en étaient réduits à importer du sable, un an plus tard ?
Laissons le vitriol des pamphlétaires et cherchons plutôt du côté des plus grands maîtres du soufisme. Toutes ces gesticulations qui nous assaillent me font irrémédiablement penser à une même parabole, celle du moustique de Roumi.
Dans cette histoire, un moustique atterrit sur un fĂ©tu de paille qui flotte dans une flaque d’urine. TrĂ´nant sur son branchage, le moustique se dĂ©lecte de la situation lorsqu’un coup de vent fait tournoyer la brindille. Constatant le changement de cap et la facilitĂ© de la manĹ“uvre, le moustique leurrĂ© par ses sens et sa nouvelle arrogance ne trouve rien de mieux que s’exclamer: « Quel grand capitaine je suis! »
Parmi nous, beaucoup sont Ă l’image de ce moustique, ivres d’une libertĂ© dont ils ne peuvent assumer la responsabilitĂ©, inaptes Ă occuper des rĂ´les qui leur vont mal et finissant par croire en leurs propres mensonges.
Si ces inaptocrates et leurs masques religieux, populistes, prolĂ©tariens ou libĂ©raux, sont une fatalitĂ© de toute transition, il est un moment oĂą ils finissent par rejoindre le vide sidĂ©ral d’oĂą ils sont apparus.
En attendant, beaucoup d’entre eux continuent Ă sĂ©vir, mettant en Ă©chec l’Etat tunisien et son prestige, foulant au pied la dignitĂ© du peuple qui les a fait rois et, dramatiquement confondus par leurs propres miroirs aux alouettes, finissant par croire aux fables qu’ils se racontent et nous assènent…
