Parfois, les promenades dans la médina de Tunis vous mettent face à de drôles de télescopages.
Ainsi, du côté de souk el Blat, les nombreux herboristes cohabitent désormais avec des échoppes qui vendent des fringues et de la camelote en provenance de Turquie et de Chine.
Ce dialogue silencieux entre une tradition séculaire et une dynamique nouvelle est passionnant à observer.
De plus en plus, nos souks, s’ils ont gardĂ© leurs dĂ©nominations anciennes, n’en abritent pas moins de nouvelles activitĂ©s. Ainsi, lĂ oĂą se trouvaient des tailleurs se sont installĂ©es des gargotes et lĂ oĂą travaillaient les parfumeurs sont apparus des bijoutiers.
Ce sont par ailleurs les bijoutiers qui ont le vent en poupe dans les souks. Quittant leur « berka » ancestrale, ils investissent tous les lieux et installent leurs ateliers partout. De fait, ce sont les seuls capables de racheter des fonds en mal de commerce traditionnel, au point où nos souks finiront bientôt par ressembler à une vaste bijouterie avec quelques commerces tournés vers le tourisme.
Ceci dit, notre photo nous montre un herboriste qui semble pensif. Dans la pĂ©nombre de sa boutique, il semble scruter le passage du temps et s’avouer Ă©berluĂ© par les nouvelles dialectiques qui rĂ©gissent les corporations jadis toutes puissantes.
Cet herboriste a sous les yeux le changement de paradigme que vivent actuellement souks, mĂ©dina et faubourgs de Tunis. Et il est certain qu’il a vu fermer beaucoup de collègues, mĂŞme si le retour aux mĂ©decines douces est de mise.
Quant au mannequin, sans visage et Ă la mode merchandising, il est actuellement triomphant. DrĂ´le d’impression de traverser le souk des herboristes parmi une haie de mannequins…
Ce sont ces hiatus qui donnent du sel à une ville qui a le tournis et ne sait plus à quels métiers se vouer.
Et puis, c’est cela la vie, une dialectique permanente entre ce qui se meurt et ce qui surgit et s’impose. A l’image de ce mannequin qui ne se pose pas de questions. Et Ă l’image de cet herboriste que ne dĂ©savouerait pas Rodin.
PlongĂ© dans ses pensĂ©es, il semble se demander ce que sont les siècles pour la mer et peut-ĂŞtre mĂŞme quel onguent nĂ©cessiterait ce mannequin pour naĂ®tre Ă la vie…
