Et si l’erreur de casting la plus grossière dans le gouvernement Essid n’était autre que le sulfureux et arrogant Yassine Brahim ?
Cette question est appellée à se poser avec acuité ces prochaines semaines alors que ce ministre entièrement dévoué au néo-libéralisme le plus débridé devra rendre des comptes sur son dernier fait d’armes dénoncé sur un ton alarmiste par Mehdi Ben Gharbia.
Brahim dans l’œil du cyclone
Dans cette affaire de la Banque Lazard, les responsabilités sont claires et les faux-fuyants ne devraient pas être de mise tant il est établi que Yassine Brahim et le parti Afek Tounes sont clairement inféodés à un système capitaliste précis.
Après la dénonciation du recours à une banque étrangère par le ministre Brahim pour le Plan de développement de la Tunisie, nous avons entendu les dénégations du président de Afek Tounes. Peu convaincantes, floues et fuyantes.
Et pourtant, il ne fait que communiquer…
D’ailleurs, les remous n’ont pas tardé puisque maintenant une instance spécialisée de l’Assemblée des représentants du peuple va auditionner le ministre alors que l’UGTT vient de suspendre jusqu’à nouvel ordre sa participation aux débats sur le Plan de développement pour protester contre ce qui est ressenti par beaucoup de Tunisiens comme une atteinte à la souveraineté du pays, une sorte de petite trahison entre amis de la haute sphère de l’oligarchie mondialisée.
De prime abord, ce qui met la puce à l’oreille dans cette affaire, c’est que Yassine Brahim, obsédé par la communication, maladivement soucieux de son image, n’a pas pipé mot sur ce recours à une banque étrangère. Pas un mot, en catimini, subrepticement, sans crier gare.
En soi, cette absence de communication, uniquement sur ce point alors que le ministre nous inonde de ses faits et gestes, parait suspecte. Comme s’il s’agissait d’un sous-marin en eaux troubles qui se devait de passer inaperçu…
Un néo-libéral pour réaliser les objectifs d’une révolution sociale !
Heureusement, la vigilance de Ben Gharbia a pris Brahim sur le fait, quasiment la main dans le sac qu’il s’évertuait à nous cacher. Et, si la réaction de l’ARP ne s’est pas faite attendre, celle de l’UGTT a le mérite d’être claire : pas de bricolages de ce type et pas de génuflexions au capital international, surtout lorsque des ministres de la République optent pour des solutions téléphonées.
Venons en maintenant à cette erreur de casting évoquée ci-dessus. On peut se demander comment Yassine Brahim a atterri dans ce ministère du développement et de la coopération. Car les directions qu’il prendrait pouvaient sembler évidentes à l’ensemble des observateurs.
Qu’il figure au gouvernement soit, après tout il est le président d’un parti de la coalition au pouvoir. Mais qu’il se donne des coudées franches pour aller à l’opposé des objectifs de la révolution est discutable.
Aucune empathie avec le peuple tunisien
Avec Brahim, une dérive libéralisante n’était pas seulement prévisible mais en quelque sorte inscrite dans l’ordre des choses. Et, c’est pour cela qu’il était coupable de nommer cet homme imbu de lui-même et n’ayant aucune empathie avec le petit peuple à la tête d’un département aussi sensible.
J’ai déjà eu l’occasion de souligner que la nomination de Brahim était un message clair à tous ceux qui défendaient l’identité sociale de la révolution tunisienne. Plutôt que regarder vers le bas, vers la souffrance des Tunisiens et les difficultés des régions périphériques, ce ministre n’a regardé que vers le haut, la finance internationale, les diktats des grands argentiers, ses propres illusions et convictions qu’il croit déterminantes pour la Tunisie.
Maintenant qu’il est pris, comme qui dirait en flagrant délit, il devra trouver des arguments sérieux pour s’expliquer devant l’opinion. Il devra se soumettre à une discipline gouvernementale – et ses agissements sont autrement plus graves en la matière que la position de principe du ministre de la Justice qui lui a valu d’être limogé- ou bien être démis de ses fonctions.
Des fadaises de ploutocrate
Encore une fois, au ministère du Développement et en charge du Plan, la Tunisie a besoin d’un homme de plus grande envergure, d’un commis de l’Etat dont le profil doit être plus social et dont la connaissance du pays ne devrait pas être théorique.
Et même si Yassine Brahim parvient -grâce à des appuis qu’on dit puissants- à sortir indemne de cette situation, il vient de démontrer qu’il n’a ni la vision ni le dessein d’un Tunisien, fier de son pays et de son peuple. C’est de l’étranger qu’il nous est revenu un certain mois de janvier 2011 et c’est vers l’étranger que sont tournés ses regards.
Des regards dont l’arrogance méprise ceux qui ne lui ressemblent pas ou, simplement, ceux qui ne croient pas en ses fadaises de ploutocrate.
H.B.