Du temps où il dirigeait la Tunisie, le président Bourguiba avait toujours eu une réticence à maintes fois assumée par rapport aux Arabes du golfe.
Contre les idéologues et les ploutocrates
Jaloux de l’indĂ©pendance de son pays, Bourguiba craignait les ploutocrates du golfe tout en laissant son lĂ©gendaire pragmatisme ouvrir la Tunisie aux investissements des monarchies pĂ©trolières.
Plusieurs anecdotes circulent encore en Tunisie Ă propos de la manière dont Bourguiba pouvait houspiller tel roitelet qui se croyait tout permis ou remettre Ă l’ordre tel Ă©mir qui aurait pu penser que sa richesse lui permettrait de se comporter en pays conquis.
Plus largement, Bourguiba a toujours redoutĂ© que la Tunisie bascule dans l’Orient compliquĂ©, les tiraillements identitaires du Machreq ou l’Islam sectaire du Khalij.
La boutade du riz et du couscous
On se souvient des rapports du prĂ©sident tunisien avec Nasser, Kadhafi et tous les champions du nationalisme arabe. On se souvient aussi de sa volontĂ© politique d’isoler la Tunisie derrière un cordon sanitaire virtuel voire dictatorial pour que n’y prennent pied ni les Frères musulmans ni les baathistes.
On se souvient encore de sa célèbre boutade à propos de la singularité des Maghrébins, mangeurs de couscous, par rapport aux autres Arabes qui eux mangent du riz. Bourguiba disait en effet que le Maghreb commençait là où le couscous prenait le pas sur le riz dans les coutumes alimentaires.
Aujourd’hui, trente ans après sa destitution par Ben Ali, Bourguiba semble continuer une plaidoirie d’outre-tombe et continuer Ă prĂ©venir la Tunisie d’une trop grande dĂ©pendance de certaines pĂ©tromonarchies.
L’identitĂ© prescrite et le destin national
Cette méfiance innée chez le père du mouvement national est-elle justifiée? La Tunisie doit-elle resserrer ou distendre ses liens avec les Arabes du golfe ? Notre pays pourrait-il se penser comme une île alors que la modernité arabe prend aussi son essor ailleurs et différemment ?
Autant de questions qui font dĂ©bat entre les tenants de l’identitĂ© prescrite et les porteurs de pragmatisme… Autant de questions qui, peu Ă peu, se relativisent quand on sait que plusieurs partis politiques influents sont porteurs d’idĂ©ologies qui dissolvent la Tunisie dans des entitĂ©s plus grandes allant du califat fantasmĂ© Ă la nation arabe tout entière…
Autant de questions qui fondent le dĂ©bat sur notre ĂŞtre-dans-le-monde et notre devenir en tant que peuple souverain, indĂ©pendant et libre…
HB
