Beaucoup de silences après cette sombre affaire de Regueb. Tout se passe, dans certains milieux, comme si l’on cherchait Ă amoindrir l’impact de ce terrible scandale.
A moins d’avoir manquĂ© une dĂ©claration dans le flot de l’information, je ne sais toujours pas ce que le mufti de la RĂ©publique pense de cette affaire et j’attends son message aux Tunisiens, pour lesquels il constitue un repère.
Sans vouloir remuer le couteau dans la plaie, nous n’avons pas entendu de nombreux partis politiques qui ont le devoir de s’exprimer publiquement pour que l’opinion connaisse leur opinion.
LĂ encore, on dirait que l’on attend que l’orage passe en faisant le dos rond.
D’autre part, il sera très instructif d’entendre les imams du vendredi dans leurs prĂŞches de ce jour. En effet, il semble que les positions soient nuancĂ©es, trop nuancĂ©es pour ĂŞtre pleinement indĂ©pendantes et sereines.
C’est que la propagande islamiste a vite fait de prendre le relais et la dĂ©fense des zĂ©lotes de Regueb. Des radios, des groupes virtuels et aussi des militants politiques tentent dĂ©sespĂ©rĂ©ment d’inverser la tendance qui pointe du doigt l’islamiste dans son ensemble.
Certains vont mĂŞme jusqu’Ă blanchir les responsables de ce scandale et poussent des cris d’orfraie en dĂ©nonçant un soi-disant complot contre l’Islam.
Ainsi, dans nos mosquĂ©es aujourd’hui, le risque est grand d’en entendre des vertes et des pas mĂ»res Ă propos de ces camps d’endoctrinement se cachant derrière des Ă©coles dites coraniques.
Au nom de quelle Ă©thique les imams s’exprimeront-ils ? Vont-ils subtilement accuser les mĂ©crĂ©ants qui ferment des Ă©coles coraniques pour extirper l’Islam du pays ou bien auront-ils la dignitĂ© suffisante pour dĂ©noncer sans ambiguĂŻtĂ© cette dĂ©rive qui instrumentalise des enfants Ă Regueb et ailleurs ?
Nos imams dénonceront-ils ce fanatisme tout en ne se cachant pas derrière des généralisations ? Oseront-ils dire de vive voix ce que les Tunisiens dans leur écrasante majorité pensent de cet eugénisme islamiste ?
Leurs discours seront Ă maints Ă©gards rĂ©vĂ©lateurs et il leur faudra montrer Ă l’opinion de quel Islam ils se revendiquent.
Quant Ă ceux qui continuent Ă se complaire dans le silence et les dĂ©clarations qui noient le poisson dans l’eau, ils se disqualifient aux yeux de l’opinion.
Enfin, cette affaire ne doit pas en rester lĂ . Aujourd’hui, certains gouverneurs engagent une opĂ©ration coup de poing mais que faisaient-ils hier encore ?
Toutes les responsabilités doivent être circonscrites et les connivences révélées. En attendant de se pencher sur les réseaux financiers de ce terrorisme en puissance.
Car, je n’en doute pas un instant: ces enfants martyrisĂ©s au nom d’un Dieu barbare sont destinĂ©s Ă servir demain de chair Ă canon pour le terrorisme et le jihad d’une Tunisie qui mange dans la main des criminels wahabites contre une Tunisie sereine, libre, moderne et souveraine.
Ne les laissons pas dĂ©truire notre pays comme ils l’ont fait dans d’autres contrĂ©es. DĂ©fendons notre pays contre les visĂ©es impĂ©rialistes de ces roitelets arabes qui pensent nous coloniser et dĂ©fendons nos enfants et nos choix au nom de la rĂ©publique tunisienne.
Car, si j’Ă©tais imam – mais je ne le suis pas -, telle serait la substance de mon prĂŞche ou plutĂ´t de mon contre-prĂŞche.
Ne fermons pas nos yeux sur l’illusion que les mosquĂ©es de Tunisie ont toutes Ă©tĂ© reprises en main et placĂ©es sous l’autoritĂ© de l’Etat. Les poches de dissidence et de discorde sont toujours nombreuses et les imams sont tout aussi nombreux Ă mĂ©nager la chèvre et le chou.
D’ailleurs, l’Etat reconnait implicitement son impuissance en avouant qu’il est impossible de contrĂ´ler toutes les mosquĂ©es du pays.
Que feront et diront nos imams alors que, pour la première fois depuis 2011, des islamistes obscurantistes et militants sont clairement sur le banc des accusés ?
Vont-ils plaider leur cause ou bien parler au nom de la RĂ©publique? Vont-ils en leur for intĂ©rieur dĂ©fendre l’insupportable ou adopter le camp des dĂ©fenseurs de l’enfance et de la raison ?
Ce vendredi, les prĂŞches devront ĂŞtre convaincants et sincères. Sinon, ils seront souillĂ©s par l’ombre de ces procès sans issue qui, des assaillants de l’ambassade amĂ©ricaine aux assassins de Belaid et Brahmi s’Ă©garent dans les sables mouvants d’une justice qui tarde Ă dire le dernier mot.
