Entre Elyssa et Didon, le lien est insécable. Si dans l’Antiquité, les deux noms désignent la même reine, celle qui venue de Tyr a fondé Carthage, dans la presse tunisienne, les deux noms sont les pseudonymes de deux autres reines, bien tunisiennes, une mère et sa fille qui, toutes deux, marquent encore de leur empreinte, des rubriques très lues et appréciées.
Alya Hamza
L’aînée n’est autre que la regrettée Nefissa Ben Said dont « Les Confidences de Didon » étaient la chronique la plus lue.
Sa fille Alya Hamza s’est investie dans le même sillon et continue à signer « Les indiscrétions d’Elyssa » sur les colonnes du quotidien « La Presse » où elle contribue aux pages culturelles.
Mais que vient alors faire le nom Antinéa, dans ce pas-de-deux ? C’est l’énigme que nous allons résoudre dans les lignes qui suivent. Mais sachez d’abord, qu’à Tunis, Antinéa est le nom qui a été donné à une galerie d’art qui se trouve dans les anciens locaux de la maison Citroën.
Malgré sa position centrale, avenue Khereddine Pacha, la galerie Antinéa reste relativement confidentielle mais constitue un jardin secret pour de nombreux esthètes et collectionneurs. Dans cet esprit, l’exposition qui vient d’y être inaugurée est un véritable must.
Des œuvres orientalistes, des pièces rares des artistes de l’École de Tunis, des tableaux et sculptures d’artistes modernes et contemporains cohabitent sur les deux niveaux de la galerie dont le nom résonne comme un mystère.
En effet, la question se pose de savoir qui est la mythique Antinéa dont la galerie porte le nom. S’il est vrai que ce mot grec signifie « fleur », il est tout aussi patent qu’il se rapproche phonétiquement du nom de la déesse Athéna.
De même, comme la princesse Salamboo de Gustave Flaubert, Antinéa est un être fictif, une créature littéraire qui doit sa naissance à l’imagination de Pierre Benoît, un écrivain français qui en 1919, avait publié un roman intitulé « L’Atlantide ».
C’est dans ce roman que naît Antinéa dont il est dit qu’elle est une descendante de Neptune, le Baba Aoussou du Sahel de Sousse. Reine des Atlantes, Antinéa a connu plusieurs déclinaisons au cinéma et en bande dessinée. Au point où elle a fini par avoir une substance réelle puisque les uns pensent qu’elle est une divinité de l’Olympe et les autres, la dernière reine d’un continent englouti en Méditerranée.
Toutefois, si notre galerie porte le nom Antinéa, c’est pour une autre raison, liée à Alya Hamza. En effet, en tant que galeriste, lors de ses premiers pas, elle avait négocié un tableau d’Aly Ben Salem qui s’intitulait « Antinéa ». Dès lors, c’est ce nom propitiatoire et porteur de baraka qui a été choisi pour cette galerie qu’Alya anime depuis sa fondation.
Joli nom pour une galerie car il brouille les codes et invite à savourer l’esthétique et le surréel. Antinéa brasse également les écoles et les générations dans une exposition riche en pépites artistiques et en œuvres de collection. C’est ce qui ressort de l’exposition en cours dans cette galerie.
Incontournables, un nu signé Jellal Ben Abdallah et une œuvre de Noureddine Khayachi représentant une femme voilée, structurent deux des salles de l’exposition, celles où l’on retrouve les travaux des générations antérieures.
Yahia Turki, Ali Bellagha et beaucoup d’autres sont présents et donnent une profondeur historique à la collection. La génération montante n’est pas en reste avec plusieurs signatures respectées, allant de Meriem Bouderbala à Majed Zalila en passant par Houda Ajili et Feryel Lakhdar.
Les jeunes artistes sont également présents et apportent une tonalité différente en déployant les enjeux contemporains et le nouveau siècle. Bref, un authentique bouquet qui témoigne des reflets artistiques les plus remarquables à travers plusieurs époques.
Une centaine d’œuvres sont exposées selon une scénographie originale qui fait le choix de disséminer les tableaux loin de toute rigidité convenue, en fonction de l’espace et des objets familiers qui le parsèment.
Une exposition à ne pas manquer car elle permet de voir des originaux des plus intéressants tout en ayant le loisir de découvrir une galerie d’art qui mise sur le beau, le rare et le subtil, au grand bonheur des collectionneurs.