Marcher dans l’ombre vive de Claudia Cardinale. À la recherche de ses traces dans Tunis, la ville où elle est née en 1938 et a grandi jusqu’à sa découverte du cinéma italien et français.
Je me trouve sur le seuil du Foyer du Combattant, devant l’immeuble où la belle Claudia a vu le jour. Je prends des photos et me demande dans lequel des trois immeubles de cette cité d’habitations à loyers modérés est née la star éteinte à l’âge vénérable de 87 ans.
Un habitant actuel de la cité surprend mon manège et me demande pourquoi je prends des photos. Habitué de ce genre de situations, j’ai appris à les désamorcer en douceur, en valorisant mon interlocuteur à qui je demande son prénom après lui avoir affirmé qu’il tombait du ciel.
Imed connaît bien sûr la relation de Claudia Cardinale avec ces immeubles des années trente. Habitant ici depuis 1964, il a même vu la comédienne visiter les lieux à plusieurs reprises et aussi un appartement en particulier, au rez-de-chaussée de l’édifice central de la cité.
Je suis Imed jusqu’à une porte à la couleur claire et l’écoute me raconter les belles heures d’un édifice où ne vivaient que des anciens combattants de la Première guerre mondiale dont les veuves ont ensuite hanté la cité. Selon lui, tout a changé ces dernières décennies : il me montre le balcon fleuri de son appartement à l’étage et me montre aussi une autre porte, désormais condamnée, dont on a longtemps cru qu’elle ouvrait sur l’appartement de la famille Cardinale.
Comme il doit promener son chien, Imed me laisse à mes fantômes et s’en va tenant en laisse son toutou qui lui obéit au doigt et à l’œil. Je ne tarde pas à partir à mon tour non sans avoir humé le génie des lieux et traversé l’enfilade de couloirs qui font communiquer les immeubles entre eux.
Rue de Marseille. Les Cardinale ont aussi vécu dans cette rue où ils avaient de la famille et s’étaient réfugiés durant les bombardements de novembre 1942. Ils iront ensuite s’installer au quartier banlieusard d’Aéroport où ils avaient de la famille et y resteront jusqu’à la fin de la guerre et la libération de Tunis par les Alliés.
Je photographie l’immeuble où la diva a vécu et je continue à arpenter la rue jusqu’à l’école Paul Cambon où Claudia Cardinale a étudié. Aujourd’hui, l’édifice aux touches arabisantes accueille le lycée de la rue de Marseille mais j’y retrouve l’écho lointain de la jeune adolescente sicilienne qui rêvait déjà au cinéma.
Quelques clichés de la façade et je repars, mes pas dans ceux de Claudia et mon esprit entre les films de Sergio Leone et ceux de Werner Herzog. Irais-je jusqu’à la Goulette pour y retrouver les mânes du grand-père de Claudia et le souvenir des barques qu’il construisait dans son atelier d’armateur ? Je ne crois pas même s’il le faudrait ne serait-ce que pour sacrifier aux légendes urbaines qui fusent de toutes parts.