La soirée du mercredi 12 novembre 2025 a marqué l’ouverture de la 46ᵉ édition du Festival international du film du Caire (CIFF), un événement central de la scène cinématographique arabe et internationale. La capitale égyptienne a accueilli un ensemble remarquable de stars, de personnalités culturelles et de professionnels, aussi bien égyptiens — tels que Youssra, Lebleba, Yousry Nasrallah ou Laila Eloui — que venus du monde entier pour célébrer le lancement de cette nouvelle édition.
La cérémonie a débuté par l’hymne national égyptien, suivi d’une prestation musicale, avant le discours du président du festival, l’acteur Hussein Fahmy. Celui-ci a déclaré : « Aujourd’hui, nous célébrons l’ouverture de la 46ᵉ édition du Festival international du film du Caire, que j’ai l’honneur de présider. L’Égypte, terre d’art, de culture et d’histoire, redessine aujourd’hui son présent grâce aux pas dévoués et aux efforts de son peuple ; ces efforts nous offrent à tous des sentiments sincères de fierté, de bonheur et d’appartenance. » Il a également souligné l’engagement constant de l’Égypte envers ses voisins : « L’Égypte n’a jamais oublié de soutenir ses frères ni négligé son devoir humanitaire, comme en témoignent le soutien à nos frères au Soudan et au Liban, ainsi que son engagement historique envers la cause palestinienne, culminant dans l’accord de Sharm el-Cheikh pour mettre fin à l’agression sur Gaza. »
Hussein Fahmy a ensuite mis en avant plusieurs distinctions récentes de personnalités égyptiennes à l’international, notamment « Dr. Khaled El-Anani, Secrétaire général de l’UNESCO, et Dr. Mina Rizk, Président du Conseil exécutif de la FAO ». Il a également salué « l’équipe nationale de football junior qualifiée pour la Coupe du monde » ainsi que « l’inauguration spectaculaire du Grand Musée Égyptien », soulignant que ce musée venait couronner des décennies de travail et s’inscrivait dans une longue histoire où l’Égypte « aime l’art et la culture depuis des milliers d’années ». Son intervention s’est conclue par une affirmation forte : « L’Égypte est toujours capable de miracles et, par sa volonté et son travail, de créer des moments exceptionnels — des moments cinématographiques immortels dans notre histoire. »
Le ministre de la Culture, Dr. Ahmed Fouad Henno, a ensuite proclamé l’ouverture officielle du festival. Dans son allocution, il a célébré « la magie de la caméra qui nous permet d’entrer dans d’innombrables mondes et de vivre mille vies ». Évoquant l’histoire de la découverte du tombeau de Toutankhamon, il a rappelé que Howard Carter avait aperçu « les traits du roi créés par les mains d’un artiste égyptien, un moment dont les émotions n’ont pas été enregistrées, mais que le cinéma a su ressusciter ». Il a souligné le rôle du nouveau Grand Musée Égyptien, qui « rend à ce moment sa gloire, redonne à l’imagination son énergie, et à la civilisation égyptienne sa voix », avant de rappeler l’importance des « milliers d’histoires réelles qui méritent d’être vues et racontées » et la capacité du cinéma à « redécouvrir l’humain en nous et devenir une promesse de paix, de vie et de beauté ».
La cérémonie s’est poursuivie avec une présentation par Hussein Fahmy des efforts de restauration du patrimoine cinématographique égyptien. Il a précisé : « Nous poursuivons notre initiative pour restaurer environ 1 400 films égyptiens, afin de préserver notre patrimoine artistique et une production immense. » Il a également annoncé que cette année, le festival projette plus de vingt films restaurés, dont dix avaient déjà été montrés lors de la 45ᵉ édition, et qui reviennent en raison de l’intérêt qu’ils ont suscité, ainsi qu’une dizaine de nouvelles restaurations. Des séquences Avant/Après ont été projetées, permettant au public d’apprécier le travail mené par les équipes de restauration.
Hussein Fahmy a ensuite exprimé la gratitude du festival envers ses partenaires et sponsors, avant que la présentatrice Jasmin Taha Zaki ne prenne la parole pour rappeler que « chaque nouvelle édition du Festival international du film du Caire rassemble les amoureux du cinéma, unis par leur amour de cet art ». Elle a souligné que l’Égypte traverse une véritable renaissance culturelle et que le cinéma, « plus qu’une industrie, est une conscience, un rêve et la mémoire d’une nation ».
Un montage vidéo présentant les films des différentes compétitions a précédé l’annonce officielle des jurys.
La soirée a ensuite accueilli deux hommages majeurs. Le premier a célébré le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan, président du jury de la compétition internationale, qui a reçu la Pyramide d’or pour l’ensemble de sa carrière. Le second a honoré le comédien Khaled El Nabawy, lauréat du Prix Faten Hamama d’excellence. Celui-ci a remercié « l’Égypte, la direction du festival, le Ministre de la Culture, Hussein Fahmy, le public » et dédié sa distinction « aux âmes de ses parents, à son épouse Mona El Maghraby, à ses enfants Karim, Nour et Ziyad », ainsi qu’aux cinéastes qui ont façonné son parcours. Il a conclu en dédiant son prix « au peuple palestinien ».
Un hommage supplémentaire a célébré la longue carrière du réalisateur Mohamed Abdel Aziz, honoré à son tour de la Pyramide d’or. Celui-ci a déclaré : « Je n’oublierai jamais cet hommage après un long parcours au cinéma, au théâtre et à la télévision », ajoutant un message destiné aux jeunes créateurs : « plus vous donnez au cinéma, plus il vous rend au centuple ».
La cérémonie s’est conclue par l’annonce du film d’ouverture, le long-métrage brésilien Les voyages de Téreza/The Blue Trail.
A la fin de cette cérémonie, un constat s’impose. Les éditions précédentes du festival se distinguaient par des décors imposants, des installations visuelles, des espaces décorés dans toute l’enceinte de l’Opéra du Caire et diverses animations qui instauraient une ambiance cinématographique festive dès l’entrée. Tout cela a disparu cette année. Mis à part une unique prestation musicale en début de soirée, aucun décor élaboré et aucune autre intervention artistique n’ont accompagné les différentes étapes de la cérémonie. La soirée s’est limitée à la présentation des jurys, aux hommages et à l’annonce du film d’ouverture.
Cette sobriété soulève une question légitime : reflète-t-elle un choix artistique délibéré ou traduit-elle plutôt des contraintes budgétaires ? Aucun communiqué officiel n’apporte pour l’instant de précision. Dans certains festivals, une cérémonie réduite peut répondre à une orientation éditoriale recentrée sur les discours et la programmation, privilégiant la sobriété à l’ornementation. Dans d’autres cas, une diminution des installations, des décors ou des animations correspond à une réduction du budget opérationnel, les dépenses étant alors concentrées sur les éléments essentiels : les films, les jurys et les hommages.
Qu’il s’agisse d’un choix ou d’une contrainte, la disparition de ces dispositifs se ressent d’autant plus fortement à l’Opéra du Caire, où la scénographie et les installations des années précédentes jouaient un rôle structurant dans l’identité du festival. Les années antérieures, pratiquement tout l’espace était décoré, illuminé, animé, créant un véritable parcours visuel qui attirait les visiteurs, invitait à la photographie et plongeait instantanément dans l’ambiance du festival. Rien de tel en 2025.
La 46ᵉ édition du CIFF s’ouvre donc sur une cérémonie réduite à l’essentiel. Reste à voir comment ce choix — volontaire ou subi — influencera l’atmosphère générale du festival dans les jours à venir. Car au-delà des projections et de la programmation, un festival vit aussi par son espace, son énergie et la manière dont il enveloppe son public. Cette sobriété inaugurale annonce-t-elle une nouvelle façon d’imaginer l’expérience du CIFF, ou marque-t-elle simplement une parenthèse dans son histoire visuelle ? Les prochains jours le diront.
NeĂŻla Driss