La rupture, longtemps sous-jacente, semble désormais totale. Depuis plusieurs mois, la tension entre le président Kaïs Saïed et l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) ne cessait de monter, alimentée par des divergences profondes sur la conduite des affaires du pays et l’avenir du dialogue social.
Symbole de ce fossé grandissant, le chef de l’État n’a depuis longtemps reçu le secrétaire général de la centrale syndicale, malgré les signaux d’alerte et les appels au dialogue.
La grève nationale des transports, menée sur trois jours, a constitué la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Perçue comme une démonstration de force par l’UGTT, elle a été interprétée par le pouvoir comme un acte de blocage inacceptable dans un contexte économique déjà fragilisé.
Hier, le ton est monté d’un cran. Kaïs Saïed s’est attaqué frontalement à la centrale syndicale, rejetant sa version des faits concernant ce qu’elle qualifie « d’attaque » contre ses locaux. Un désaveu public qui, au-delà du simple différend sur un incident précis, marque une ligne de fracture désormais assumée. Mais, on peut le comprendre, le président ne visait pas l’UGTT en tant qu’institution historique — symbole des luttes nationales et sociales —, mais bien la direction actuelle de la centrale, qui est désormais sous le feu des critiques.
Dans un message politique limpide, le président a laissé entendre que des dossiers pourraient être ouverts et que des comptes devraient être rendus. Une déclaration qui sonne comme un avertissement et qui augure d’une confrontation plus directe encore dans les semaines à venir.
Si la Tunisie a besoin de stabilité et de dialogue pour affronter ses défis économiques et sociaux, l’escalade verbale actuelle risque de refermer les dernières portes de la concertation. Entre la présidence et l’UGTT, le temps n’est plus aux signes de défiance, mais à la confrontation ouverte.
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