Alors que l’Afrique du Nord devient un théâtre stratégique de la compétition entre grandes puissances, les États-Unis réaffirment leur confiance dans la Tunisie comme partenaire clé pour contrer l’influence croissante de la Russie sur le continent. C’est l’un des messages forts de l’audition du 21 juillet 2025 devant le Senate Armed Services Committee, à l’occasion de la nomination du Lieutenant-Général Dagvin R. M. Anderson à la tête de l’U.S. Africa Command (AFRICOM).
Dans son intervention, le Général Anderson a appelé à un réalignement géopolitique en Afrique du Nord :
« The United States should also strive to reorient Algeria away from its historic dependence on Russia, and to prevent Libya from serving as an access point for Russian malign actions and expansion. »
(Il est dans l’intérêt des États-Unis de favoriser une inflexion stratégique de l’Algérie, traditionnellement alignée sur Moscou, et de contenir l’utilisation de la Libye comme base d’expansion ou d’ingérence russe.)
Dans ce contexte, la Tunisie émerge comme un point d’ancrage fiable pour les intérêts américains, à la fois en termes de coopération sécuritaire, de formation régionale, et de partage de renseignement.
La Tunisie : modèle et levier
C’est d’ailleurs dans ce sens que le Général Anderson a désigné la Tunisie, aux côtés du Maroc, comme l’un des deux partenaires africains « willing and capable allies and partners » (alliés et partenaires volontaires et capables) des États-Unis. Il a salué leur rôle de « security exporters » (exportateurs de sécurité) en Afrique, en particulier pour la formation d’armées partenaires dans la région sahélienne.
Cette reconnaissance s’inscrit dans la continuité des programmes bilatéraux engagés depuis plusieurs années : assistance militaire, soutien à la modernisation des forces, et exercices conjoints dans le cadre de la lutte antiterroriste.
Une alliance contre les menaces transversales
L’audition a également abordé les défis majeurs auxquels fait face l’AFRICOM, des préoccupations qui résonnent fortement avec les réalités tunisiennes :
- Lutte Antiterroriste : L’engagement de l’AFRICOM à contrer les menaces terroristes en Afrique, notamment celles provenant des groupes opérant dans le Sahel, est une priorité partagée avec la Tunisie, qui a une expérience directe dans la lutte contre l’extrémisme.
- Compétition des Grandes Puissances : Les discussions sur l’influence croissante de la Chine et de la Russie sur le continent soulignent l’importance pour des pays comme la Tunisie de choisir des partenariats basés sur la transparence et le respect mutuel, alignés sur les valeurs démocratiques et un ordre international fondé sur des règles.
- Stabilité et Gouvernance : La volonté de l’AFRICOM de soutenir la stabilité et de renforcer la gouvernance dans les nations africaines corrobore les efforts tunisiens pour consolider ses institutions démocratiques, malgré les tensions internes.
Ce que cela signifie pour Tunis
Cette posture américaine pourrait se traduire dans les mois à venir par :
- Un renforcement de l’assistance militaire et du partage d’expertise.
- Des investissements accrus dans la cybersécurité, les systèmes de commandement et la surveillance maritime.
- Un rôle diplomatique renforcé de la Tunisie dans les dossiers libyen et sahélien, en coordination avec Washington.
En somme, alors que les États-Unis cherchent à contenir l’expansion russe en Afrique du Nord et à remodeler leur architecture d’alliances, la Tunisie apparaît comme le partenaire pivot d’une stratégie de stabilisation à double détente : sécuritaire et politique. Une reconnaissance qui, si elle est accompagnée d’engagements concrets, pourrait repositionner la Tunisie au cœur des équilibres régionaux.
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