Le basculement est désormais chiffré. Selon de nouveaux chiffres publiés hier par Il Messaggero, la Tunisie s’impose comme la deuxième destination préférée des retraités italiens à l’étranger, derrière l’Espagne. Une tendance amorcée il y a quelques années, mais qui prend aujourd’hui une dimension structurelle, notamment dans la ville côtière de Hammamet.
Entre 2019 et 2023, près de 1 000 retraités italiens ont transféré leur résidence fiscale en Tunisie. Mais c’est surtout le chiffre de 2023 qui interpelle : l’INPS (caisse italienne de retraite) y a versé 87 millions d’euros, avec un montant moyen mensuel de 3 564 euros par pensionné, un record absolu dans la région.
Hammamet concentre une part significative de cette communauté, avec plus de 4 000 retraités italiens recensés – soit environ 8 % de la population locale. Un chiffre qui confirme l’attractivité fiscale de cette ville et la consolidation d’une forme de migration grise, ni économique ni humanitaire, mais fiscale.
Une fiscalité taillée sur mesure
La législation tunisienne autorise une exonération de 80 % du revenu de pension perçu de l’étranger. Seuls 20 % sont imposables, selon un barème progressif dont l’impôt maximal ne dépasse pas 35 %. Le chef de famille bénéficie également d’une déduction supplémentaire.
Mais l’atout le plus stratégique de la Tunisie reste l’exception qu’elle constitue pour les anciens fonctionnaires italiens. Alors que ces derniers ne peuvent généralement pas bénéficier de la défiscalisation dans d’autres pays européens (Portugal, Espagne, etc.), ils en bénéficient en Tunisie. Résultat : 63 % des retraités italiens installés à Hammamet en 2023 sont issus de la fonction publique.
La chute du Portugal, la montée de la Tunisie
Le phénomène s’inscrit dans un rééquilibrage régional. Longtemps en tête, le Portugal a supprimé son régime fiscal spécial en 2024, entraînant une chute de plus de 80 % des nouveaux arrivants italiens. Le pays reste encore premier en valeur totale de pensions versées (157,4 M€), mais c’est un effet d’inertie.
Désormais, ce sont la Tunisie, l’Espagne, la Roumanie et l’Albanie qui se partagent les nouveaux flux. Ces deux derniers pays proposent des systèmes très attractifs : exonération totale en Albanie, et forfait de 10 % sur les pensions étrangères en Roumanie.
L’installation croissante des retraités étrangers en Tunisie – concentrée sur des zones comme Hammamet, Sousse ou Monastir – alimente la demande immobilière et stimule certains segments de l’économie locale, notamment les services médicaux, paramédicaux et touristiques à l’année.