Ce lundi matin, la cour du lycée secondaire de Mazzouna s’est transformée en scène de catastrophe. Un pan entier du mur d’enceinte s’est effondré, ensevelissant cinq adolescents sous les décombres. Trois d’entre eux, âgés de 16 à 17 ans, n’ont pas survécu. Les cris de détresse ont remplacé les sonneries habituelles, laissant une communauté entière sous le choc.
Mais ce drame n’est pas un accident isolé. C’est le symptôme d’un mal qui ronge l’éducation tunisienne depuis des décennies.
Plus de la moitié des établissements scolaires tunisiens datent d’avant 1985. Quarante ans sans rénovations majeures pour beaucoup d’entre eux. À Mazzouna, le mur qui s’est effondré avait été construit en 1983, fragilisé par les vents récents et les secousses sismiques, selon les premières analyses.
Le ministère de l’Éducation lui-même reconnaît l’ampleur du désastre : 4 500 établissements sur 6 102 nécessitent des interventions urgentes. Dans les zones rurales comme Kasserine, Siliana ou le Kef, des écoles fonctionnent sans clôture, sans eau potable, ni électricité stable. L’école, censée être un sanctuaire du savoir, est devenue un lieu de danger.
Une longue série d’alertes ignorées
Avant Mazzouna, d’autres drames annonciateurs avaient déjà eu lieu. En janvier 2023, trois élèves d’une école primaire privée à Monastir ont subi des blessures de gravité variable, suite à l’effondrement d’une partie du plafond d’une salle de classe. En octobre de la même année, le plafond d’une salle de classe s’effondrait à l’école « La République » de Sidi Bouzid. En mai 2023 également, un mur tout juste construit cédait au lycée pilote de Tozeur après une simple pluie.
Un rapport accablant de la Cour des comptes pointait déjà en 2022 l’existence de 1 300 écoles présentant un « risque structurel réel ». Mais ces signaux d’alarme sont restés lettre morte.
Des promesses budgétaires qui s’effritent comme les murs
L’ironie est cruelle : le ministre de l’Éducation, Noureddine Nouri, avait visité le gouvernorat de Sidi Bouzid seulement une semaine avant la tragédie, le 8 avril 2025. En novembre 2024, il annonçait un projet de budget de 8 044 millions de dinars pour 2025, avec une augmentation de 126 millions par rapport à l’année précédente, promettant qu’une partie serait consacrée à la rénovation des infrastructures scolaires.
La tragédie de Mazzouna a provoqué une onde de choc nationale. La Fédération générale de l’enseignement secondaire a appelé à la suspension des cours dans tous les collèges et lycées du pays ce mardi 15 avril 2025, en hommage aux victimes.
Ce n’est pas seulement un mur qui s’est effondré à Mazzouna. C’est tout un système éducatif qui menace de s’écrouler : faute d’entretien, faute d’investissement, faute de vision.