La volonté de la Tunisie de s’affranchir de la « tutelle » de l’Occident s’est développée depuis le tournant du 25 juillet 2021, le président Kais Saied insistant sur la consolidation de la souveraineté nationale.
Par Lotfi Larguet
Sous les coups de boutoir de la mondialisation, de l’invasion idĂ©ologique ultra-libĂ©rale et de l’uniformisation universelle des esprits, la souverainetĂ© Ă©tait mĂŞme devenue surannĂ©e, un vestige du passĂ©, un concept symbolisant une histoire rĂ©volue. Car, le principe avait conquis son prestige lors des luttes pour les indĂ©pendances dans les annĂ©es 50 du 20ème siècle avec toute une panoplie de droits reconnus aux peuples comme le droit Ă l’autodĂ©termination, le droit des peuples Ă disposer d’eux-mĂŞmes ou la non-ingĂ©rence dans les affaires intĂ©rieures. Les assauts contre la souverainetĂ© de la part des grandes puissances dans le monde confortaient leur mainmise et leur domination sur les Etats dits sous-dĂ©veloppĂ©s qui s’exprimaient dans les relations Ă©conomiques, commerciales, culturelles ou technologiques. Â
Au contraire des forces politiques qui ont gouvernĂ© la Tunisie après 2011 fortement liĂ©es aux puissances impĂ©riales, Islamistes ou libĂ©raux Ă©taient aux basques pour ne pas dire aux ordres de l’occident, Kais Saied remet le concept de souverainetĂ© au goĂ»t du jour et lui redonne toute sa vitalitĂ© affichant sa dĂ©termination Ă l’indĂ©pendance de la dĂ©cision nationale. Sa position Ă l’égard du Fonds MonĂ©taire International dont il rĂ©fute le soutien conditionnĂ© qui ne correspond pas aux choix pays Ă©tait un premier pas très important dans cette direction Ă laquelle il vient d’ajouter un Ă©lĂ©ment tout aussi important : celui de la diversification des partenaires Ă©conomiques exprimĂ©e par cette coopĂ©ration stratĂ©gique mise en place avec la Chine lors de sa rĂ©cente visite.Â
En fait, cette nouvelle orientation est accomplie sous le slogan justement de ce principe de souverainetĂ© que les deux pays promeuvent avec comme toile de fond un nouvel ordre international qui sert de fondement Ă un nouveau modèle de coopĂ©ration basĂ© sur le respect des choix nationaux issus des peuples dĂ©tenteurs de la souverainetĂ©, des intĂ©rĂŞt communs, la non-ingĂ©rence dans les affaires intĂ©rieures et l’égalitĂ©.Â
Ce principe de souverainetĂ© a Ă©tĂ© remis Ă la mode Ă juste titre servant de base Ă l’aspect politique du communiquĂ© conjoint des deux pays qui commence par une dĂ©claration politique. D’abord, la Tunisie exprime son soutien Ă la souverainetĂ© de la RĂ©publique Populaire de Chine sur Taiwan conformĂ©ment Ă la rĂ©solution de l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des nations-unies n°2758 du 25 octobre 1971 qui avait consacrĂ© l’unitĂ© de la Chine populaire lui attribuant la lĂ©gitimitĂ© d’être le seul reprĂ©sentant de toute la Chine y compris Taiwan. Le communiquĂ© insiste sur la souverainetĂ© de la Chine sur tous ses territoires, son soutien Ă ses efforts de les unir et de dĂ©fendre ses intĂ©rĂŞts stratĂ©giques ainsi que son refus de toute ingĂ©rence Ă©trangère dans ses affaires intĂ©rieures notamment Ă Hong-Kong et Xinjiang. Ce soutien politique tunisien aux positions chinoises trouve un Ă©cho chez la Chine qui soutient fortement la Tunisie de l’après 25 juillet 2021, ses orientations pour dĂ©velopper sa situation Ă©conomique et financière et ses efforts Ă prĂ©server sa souverainetĂ© et l’indĂ©pendance de ses dĂ©cisions nationales, refusant toute ingĂ©rence Ă©trangère dans ses affaires. Cet Ă©change de bonnes intentions traduit en rĂ©alitĂ© une concordance de vues entre les deux pays sur la volontĂ© de mettre en place de nouvelles règles qui organisent les relations entre les Etats. L’espoir de voir naitre un nouvel ordre mondial, plus Ă©galitaire, plus juste, qui vient remplacer l’ordre inique actuel et l’arrogance occidentale qui l’accompagne, servira au dĂ©veloppement de la coopĂ©ration non seulement entre les deux pays, mais avec tous ceux qui partagent cette nouvelle vision de l’humanitĂ©.Â
La coopération touchera les activités stratégiques comme la santé, le transport, l’agriculture, l’énergie ou les infrastructures dont notre pays a besoin dans tous les domaines et secteurs, dans lesquels la Chine a fait ses preuves devenant l’un des leaders mondiaux. Elle touchera aussi la recherche scientifique, les énergies renouvelables, la gouvernance, le commerce, les investissements, le tourisme et la culture. Bref, une coopération qui ouvre de larges perspectives notamment à notre pays si l’on parvient à se montrer habile dans les négociations et les accords qui vont naitre entre la Tunisie et la Chine. Notre pays pourrait tirer des dividendes et relancer son économie grâce au soutien conséquent de la Chine alors que celle-ci conforterait sa place tant dans la région qu’en Afrique où elle joue déjà un grand rôle et où elle commence à se substituer aux anciennes puissances impériales, avec un nouveau modèle de partenariat fondé sur une souveraineté retrouvée…
