Depuis fin 2022, date de la suspension des négociations entre Tunis et le FMI quant au prêt de 1,9 milliard de dollars, aucune avancée n’a été enregistrée. A croire que les deux parties se satisfaisaient de ce blocage !
Je t’aime, moi non plus ! La relation entre Tunis et le FMI est arrivé, semble-t-il, à un stade dissymétrique que rien ne semble pouvoir redresser.
Le côté tunisien, représenté par le chef de l’exécutif, Kais Saied en l’occurrence, s’oppose aux réformes exigées par l’institution de Bretton Woods. Celles relatives, notamment, à la suspension des subventions des produits de base et des hydrocarbures, et à la question, encore plus brûlante, de la privatisation des entreprises publiques.
Pour le FMI, ces réformes sont une condition sine qua non pour débloquer le prêt. Une position qu’il ne semble pas près d’infléchir malgré le soutien qu’apportent certains pays européens à notre égard, au premier rang desquels l’Italie qui a maille à partir avec le flux d’immigrants qui déversent, quotidiennement, sur ses côtes.
Kais Saied et le nouvel ordre humain !
Ceux qui suivent le dossier de près savent que le Président de la République n’était pas chaud, dès le début, au prêt du FMI aux conditions telles qu’édictées par l’institution. « Il est hors de question de toucher au pain quotidien du Tunisien », martelait Kais Saied à chaque fois où la question du prêt resurgisse, une position que ses opposants considèrent à visées électoralistes.
L’aversion du Chef de l’Etat au FMI l’a expressément manifesté lors du sommet international sur les migrations à Rome. Dans son discours, Saied avait appelé, alors, la communauté internationale à « créer une nouvelle institution financière mondiale » pour « établir un nouvel ordre humain où l’espoir remplace le désespoir ».
Sans doute, est-il convaincu de la faculté du pays à redresser la situation par ses moyens propres et par l’aide de quelques pays amis, entre autres les pays du Golfe, et particulièrement les pays d’Europe.
Avons-nous suffisamment de ressources propres ?
S’il est vrai qu’un accord avec le FMI apporterait une bouffée d’oxygène à notre pays et aplanirait les difficultés, en ce sens qu’il déclencherait d’autres financements étrangers, il n’en est pas moins que l’Etat soit tenu de trouver d’autres ressources.
Pour 2023, l’Etat tunisien a des échéances de remboursement de prêts estimées à 21 milliards de dinars, dont 12 Mds en devises. Cela reste dans nos cordes à considérer les rentrées touristiques, les envois de la diaspora, les exportations de phosphates et la baisse du coût de l’énergie.
La difficulté demeure, cependant, au niveau du financement du Budget de l’Etat 2023. Le recours massif à l’emprunt national, via les banques commerciales et d’investissement, risquent de faire pression sur les liquidités et cela n’est pas sans risque sur la stabilité des prix. Sans parler de la soutenabilité de la dette, l’Etat est endetté, actuellement, à hauteur de 80% du PIB.
L’expert Farid Belhadj avait dit, quelques mois auparavant, que « si d’ici fin août, il n’y a pas de clarification de la position de la Tunisie, l’accord du FMI sera enterré une fois pour toute ».
Il ne croyait pas si bien dire.
Chahir CHAKROUN