Hier soir, le film tunisien El Jaida, réalisé par Selma Baccar, a été projeté au Festival International du Film du Caire (CIFF). Ce film concoure dans la compétition « Horizons du Nouveau Cinéma Arabe ».
Il a été programmé exprès, hier 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
Ce film, qui se situe juste avant l’indépendance, raconte l’histoire de femmes d’âge, de tempérament et de milieu social différents, mais qui se retrouvent emprisonnées toutes dans Dar Joued.
Ces femmes avaient été condamnées parce qu’elles avaient déplus aux hommes de leurs familles. Elles étaient soumises au bon vouloir des mâles et ne pouvaient en aucun cas disposer d’elles mêmes.
L’indépendance de la Tunisie, et ensuite la promulgation du Code du Statut Personnel vont changer la vie de ces femmes, qui deviendront des citoyennes à part entière.
La projection d’El Jaida a eu lieu en présence de la réalisatrice Salma Baccar, des deux actrices Souhir Ben Amara et Amira Derouiche, de l’acteur Khaled Houissa et de la décoratrice Rahma Bejaoui.
L’ambassadeur de Tunisie en Egypte et son épouse étaient également présents.
Le film a eu un très grand succès. Non seulement il n’y avait pas un seul fauteuil inoccupé, mais il avait même des spectateurs debout, ce qui est très rare au CIFF!
Personnellement lorsque j’avais vu El Jaida au Colisée, lors de la première mondiale pendant les Journées Cinématographiques de Carthage, je ne l’avais pas particulièrement aimé. J’avais trouvé qu’il avait tous les ingrédients pour faire un bon film, mais qu’en fin de compte le résultat n’était pas à la hauteur de mes attentes. Était-ce la fatigue? Possible. Ce soir-là nous avions fait la queue pendant 3 heures, nous étions tous excédés et énervés.
Mais hier j’ai beaucoup aimé le film.
Est ce parce que hier, j’étais aussi très fière de notre Tunisie? C’est possible aussi.
J’étais entourée d’égyptiens et je ressentais leur étonnement, surtout vers la fin du film lorsque la petite fille de l’héroïne était devenue membre à l’assemblée constituante et avait fait un discours pour la défense des droits des femmes.
Oui, quelle fierté!!!!
Le débat qui a suivi le film était très intéressant. En fait, il n’y avait pas tellement de questions, il y avait surtout des éloges. Des éloges pour le film, mais surtout pour la Tunisie qui a su avancer et résister, à ce jour, aux forces obscurantistes qui voulaient que les droits des femmes régressent.
Salma Baccar a également été félicitée pour avoir lié la condition de la femme à la libération du pays et fait un parallèle entre les deux. Tous ont insisté sur le fait qu’aucun pays ne peut avancer et évoluer si la moitié de sa population est soumise et ne jouit pas de ses droits.
Salma Baccar a expliqué qu’elle avait écrit son film en 2007, mais qu’après la révolution, elle l’avait réécrit. En effet, après les élections de 2011, il y a eu une vraie crainte que les droits des femmes tunisiennes soient remis en cause. Les islamistes avaient parlé de rétablir la polygamie, ils avaient également parlé de complémentarité des femmes et avaient surtout voulu introduire la charia dans la constitution. La lutte avait été très dure, et enfin l’article 21 de la constitution avait affirmé l’égalité des sexes. En plus de cela, l’été dernier, la loi organique contre la violence faite aux femmes a été votée.
Bien sûr, il y a eu deux personnes qui ont hurlé que c’est contraire à la religion, que réclamer l’égalité d’héritage entre les hommes et les femmes est hram, qu’il n’est pas normal que les hommes tunisiens ne puissent pas épouser quatre femmes conformément à la charia….
Le critique Ahmed Shawky, qui modérait le débat, a mis fin à cette polémique en disant que seules étaient acceptées les questions qui concernaient le film et que nous n’étions pas là pour débattre de la constitution tunisienne.
Salma Baccar a quand même répondu en disant qu’elle n’était pas là pour discuter religion, mais qu’elle croyait que l’esprit humain est illimité et qu’il doit toujours essayer de trouver des solutions pour faire des lois et règles qui soient conformes aux besoins réels des êtres humains et qui s’adaptent à nos sociétés.
Ce qui était très amusant hier, était de voir les égyptiennes défendre bec et ongles les femmes tunisiennes. Elles étaient enthousiastes, on aurait cru qu’elles étaient elles mêmes tunisiennes ! En fait, elles nous enviaient !
Débat après la projection du film El Jaida
A part ces deux énergumènes, les spectateurs ont adoré le film. Ils ont adoré les décors, les costumes, les prestations d’acteurs…
Un critique libanais a posé une question un peu particulière : il a dit avoir trouvé que dans le film, les hommes étaient plutôt faibles et effacés. Pourquoi?
Khaled Houissa a répondu en disant que :
1/ le film El Jaida est féminin et féministe par excellence et donc les personnages mis en relief étaient celui des femmes, les hommes ayant des rôles secondaires.
2/ les personnages des hommes n’étaient pas faibles mais étaient plutôt complexes.
3/ l’homme tunisien a lui aussi milité pour les droits des femmes parce qu’il a comprit depuis très longtemps qu’une société ne peut évoluer si les femmes ne jouissent pas de leurs droits, ne sont pas instruites, épanouies… surtout que ce sont les femmes qui élèvent les enfants et forment donc les générations futures.
Il a d’ailleurs cité à titre d’exemple Tahar Haddad et Habib Bourguiba.
Sincèrement hier soir, je me suis sentie très très fière d’être tunisienne. Et cette fierté a persisté encore plus aujourd’hui lorsque j’ai constaté que les gens discutaient encore du film et des droits de la femme tunisienne.
Neïla Driss
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