C’est ce qu’essayent de faire les enfants du film «The Idol» (Ya tir Ettayer) qui narre l’histoire véridique de Mohamed Assaf, le jeune chanteur palestinien ayant gagné le concours de la deuxième édition du programme de télévision «The Arab Idol».
Après «Paradise Now» (Golden Globe du meilleur film en langue étrangère en 2006) et «Omar» (Prix du Jury de la section Un certain Regard au Festival de Cannes en 2013 et Tanit d’Or aux JCC 2014), deux films qui lui ont valu deux nominations aux Oscars du meilleur film en langue étrangère, Hany Abu Assad revient avec un troisième film «The Idol» avec dans les principaux rôles Tawfeek Barhom et les enfants Hiba Atallah, Kaies Atallah, Ahmed Kacem et Abdel Kareem Brarakeh.
Ce très beau long métrage raconte l’histoire de quatre enfants palestiniens qui veulent constituer un groupe de musique, chanter et réussir un jour à se produire à l’Opéra du Caire.
Stimulés par la petite Nour, locomotive du groupe, qui leur dit et répète inlassablement: «Lorsque nous serons grands, nous changerons le monde!», ils vont travailler dur pour ramasser assez d’argent et acheter des instruments de musique. Lorsqu’ils y arriveront, ils se feront engager pour chanter dans diverses fêtes et mariages. Ils vont mettre toute la volonté du monde pour réaliser leur rêve.
Les années passent, Mohamed Assaf est chauffeur de taxi pour pouvoir payer ses études, mais il n’a pas abandonné la chanson. Plus que jamais il tient à son rêve: chanter en Egypte et participer à l’émission «The Arab Idol». Pour cela il est prêt à tout, y compris passer la frontière avec de faux papiers, ce qu’il fera effectivement. Arrivé en Egypte, sa voix lui permet d’être sélectionné parmi les finalistes. Ce qui le conduira au Liban pour la soirée finale. Grande fierté pour tous les palestiniens.
A la fin du film et de la soirée, la réalité rattrapera la fiction et le visage du vrai Mohamed Assaf (qui chante réellement toutes les chansons du film) se substituera au visage de l’acteur Tawfeek Barhom qui joue le rôle. Des images réelles de liesse du public en Palestine seront aussi incrustées dans le film.
Ce film très optimiste, sans être ni politique ni religieux, donne une voix aux Palestiniens et montre qu’avec de la volonté, on peut arriver à réaliser son rêve. Il permet au réalisateur, à travers une histoire réelle qui fini très bien, de raconter la vie quotidienne des Gazaouis, leur aspirations, leurs ambitions et de faire entendre leur voix partout dans le monde grâce à ce jeune Mohammed Assaf qui deviendra une sorte de porte parole de son peuple.
Hany Abu Assad a tenu à tourner toutes les scènes extérieures à Gaza, au Caire et au Liban pour donner à son récit une plus grande sincérité. D’après lui, l’authenticité est la clef de ce film. C’est justement cette recherche de l’authenticité qui l’a poussé à braver les dangers et les difficultés logistiques et à tourner son film presque entièrement à Gaza, ce que n’a fait aucun réalisateur depuis au moins vingt ans. Ce désir d’authenticité l’a également poussé à choisir des enfants qui vivaient réellement à Gaza. Après bien des recherches dans diverses écoles et institutions, il a fini par trouver ces quatre préadolescents dont c’est la première expérience cinématographique, mais qui pourtant ont été d’un naturel incroyable !
Les images des ruines, des kilomètres de barbelés, de cette ville dévastée par les bombardements… permettent aux spectateurs de découvrir Gaza et réaliser toutes les souffrances qu’elle subit de la part du colon israélien. Hany Abu Assad filme avec subtilité et montre le contraste entre toute cette laideur et la joie des enfants qui jouent à vélo tout le long d’un énorme mur de barbelés, transforment les ruines en terrain de jeu, osent encore rêver d’un avenir lumineux et luttent pour le construire. Il arrive même à faire rire avec les déboires quotidiens de ces gens qui réussissent à vivre avec des coupures de courant, des appareils qui ne marchent pas à l’instar du groupe électrogène qui enfume la salle dans laquelle Mohamed Assaf essaye de chanter… En fait, le réalisateur suggère plus qu’il ne montre les problèmes des habitants de Gaza.
«Je vois «The Idol» comme l’histoire d’un combat et la volonté de survivre dans des conditions extrêmes. Il est une histoire d’espoir et de succès, où un frère et une sœur ont pu faire de leurs inconvénients un avantage, et de l’impossible un possible, et qui partis de rien ont pu surmonter tous les obstacles, vaincre la pauvreté, l’oppression et l’occupation. Ils ont eu la capacité de convertir la laideur en beauté, ce qui, à la fin, est la puissance derrière tout Art et l’énergie pour nourrir l’espoir» a dit Hany Abu Assad de son film. Et il a ajouté: «Ce film a été conçu comme un film sans barrières culturelles. Vous pourriez être chinois, américain ou palestinien et l’apprécier. Les très vieux et les très jeunes peuvent tous comprendre le voyage. Il traverse les lignes religieuses. J’ai fais exprès de prendre une histoire très spécifique et la mettre dans un contexte plus large».
Il est à noter que l’histoire de ce film s’est quelque part transformée en réalité pour ces quatre enfants. Ils ont enfin pu connaitre le monde en dehors de Gaza. La petite fille qui joue Nour a pu sortir de Palestine avec sa famille. Ils sont en quête d’asile en Europe en tant que réfugiés. Les trois garçons ont pu voyager au Canada pour assister à la projection du film au Festival de Toronto. On leur a offert de prendre en charge leurs études. Il y a même eu une proposition pour adopter l’un d’entre eux.
Ce film, qui convient aussi bien aux adultes qu’aux enfants est projeté actuellement au Cinéma Amilcar à El Manar et au CinémadArt à Carthage. A ne pas rater.
Neila Driss