Le hasard fait toujours les choses à sa manière. Samedi dernier, des retrouvailles avec des amis à la Goulette m’ont offert un moment exceptionnel.
Gérald et Amira sont un couple comme je les aime. Soudés, riches de mille facettes et généreux comme la France, l’Italie et la Tunisie réunis. La soirée à laquelle ils invitaient fut à leur image plurielle et polyphonique et m’a réservé son lot d’agréables surprises.
J’en suis en tous cas reparti avec la solide impression que la diversité tunisienne se portait bien.
Les jours précédents, plusieurs personnes avaient été naturalisées et avaient intégré la nationalité tunisienne. Près de 150 nouveaux citoyens avaient ainsi retrouvé leur nom dans le Journal officiel de la République tunisienne. Parmi eux, Alfonso Campisi était présent à cette soirée dont je vous parle.
Professeur universitaire, d’origine italienne, de racines siciliennes, Campisi a enfin réalisé son rêve de tunisianité.
Toutes nos félicitations à ce néo-Tunisien dont notre pays commun est la patrie d’adoption depuis fort longtemps. Campisi a littéralement mené un long combat pour obtenir cette nationalité tunisienne. Le voici désormais naturalisé et ayant rejoint les forces vives du peuple.
Un arbre peut cacher une petite forêt ! Le hasard objectif a voulu que parmi les présents, plusieurs convives portaient la nationalité tunisienne tout en ayant des racines européennes. Nous étions ainsi à mille lieues du monolithe arabe et islamique défini comme leur identité assignée aux Tunisiens.
L’impression était saisissante. Et je me rendais compte par exemple que les Bogo, toujours présents en Tunisie, étaient les lointains descendants du fameux Achille Bogo, figure fameuse du dix-neuvième siècle tunisien.Parmi les présents, certains avaient la nationalité française, ukrainienne ou russe et tous avaient aussi la citoyenneté tunisienne.
Retrouvailles également avec Jan Demeulemeister et Dorota Parsziszek. Le premier est Belge, la deuxième est Polonaise et tous les deux sont également Tunisiens grâce à leurs mariages respectifs et leur résidence en Tunisie.
Je ne vous le cacherai pas: un sentiment de fierté me saisissait face à cette diversité vivante, cette réalité qui n’était pas qu’un simple discours.
La Tunisie est aussi ainsi. Notre pays est un creuset euro-méditerranéen et ne doit pas perdre de vue cette dimension. De toutes les manières, notre identité économique s’il fallait en avoir une, est franchement européenne. Il suffit de regarder les chiffres pour s’en convaincre et suggérer les flux humains qui, malheureusement, restent problématiques à l’heure actuelle.Parfois, il apparaît évident que c’est sa fermeture sur elle-même de l’Europe qui implique la césure entre les deux rives de la Méditerranée. Dans l’autre sens, l’hospitalité demeure un potentiel même si une redistribution des cartes géopolitiques impose de nouveaux replis sur soi et de nouvelles pressions.
Ceci dit: la Tunisie a de quoi être fière de cette diversité en mouvement, ce caractère pluriel bien vivant même s’il ne concerne que de rares individus. Trop souvent, la Tunisie plurielle n’est qu’une litanie de ce qui fut et un processus purement incantatoire qui porte en creux l’absence des minorités qui ont été poussées à quitter le pays natal et la terre d’ancrage.
Avec Alfonso, Dorota, Jan et les autres, c’est une tendance différente qui se dessine et mérite d’être posée, comprise et analysée. Pour l’heure, saluons ce fait culturel et humain, tout en ayant une pensée amicale pour Amira et Gérald qui ont aussi mis de la diversité dans des assiettes pleines de taboulé, gaspacho, couscous et merguez. Le tout arrosé des meilleurs vins de Tunisie.