Les blocs parlementaires à l’Assemblée des représentants du peuple viennent de connaître une nouvelle configuration.
Désormais, le parti Ennahdha avec 68 députés domine le Parlement, suivi par la Coalition nationale et ses 44 députés puis Nidaa Tounes qui ne compte plus que 40 députés pour son bloc.
Cette dynamique renseigne d’abord sur un fait majeur : depuis le début de la législature, le parti Ennahdha est le seul à ne pas avoir connu de remous et, au fond, le seul à se comporter en parti politique structuré et au fait des intérêts qu’il défend.
Cette situation à l’ARP est d’ailleurs le fidèle reflet de ce qui se passe sur la scène partisane. Les choses sont telles qu’on se demande qui pourra bien empêcher Ennahdha de devenir un parti complétement hégémonique, voire une formation qui s’entoure de supplétifs et de partis croupions comme ce fut le cas pour le RCD.
En effet, la situation ressemble à s’y méprendre avec celle qui prévalait avant 2011 lorsque Ben Ali avait su manoeuvrer pour construire une majorité présidentielle composée de partis-clients.
En ce temps, l’opposition se divisait en deux courants distincts. Le premier était proche du RCD et constituait d’une certaine manière une façade démocratique. Le second était hostile au RCD et confiné dans l’opposition non reconnue mais, selon les cas, tolérée ou pourchassée.
Aujourd’hui, malgré l’existence de 216 partis politiques, il devient de plus en plus évident que le seul parti viable, structuré et omniprésent n’est autre qu’Ennahdha.
Par sa puissance et les moyens conséquents dont il dispose, ce parti pèse sur la scène politique et semble être le seul à même de le faire. De fait, la tentation hégémonique devient palpable alors qu’il apparaît que le multipartisme actuel fonctionne comme un leurre démocratique.
Aucun des partis actuellement actifs ne pourrait dans la configuration actuelle, concurrencer Ennahdha qui a profité de ces dernières années et de ce vide savamment entretenu pour avancer ses pions partout.
Nidaa Tounes a fait illusion et capté le sursaut national du refus des islamistes au pouvoir. On sait ce qu’il adviendra de ce parti fourre-tout qui peine encore à organiser son premier congrès.
Les autres formations de l’opposition n’ont pas plus de poids. Elles sont parfois constituées autour de simples personnes, sans véritable ancrage local ni assise populaire.
Ces partis même lorsqu’ils sont présents à l’ARP ne parviennent ni à progresser ni à peser sur le réel. Que dire alors des dizaines de clubs d’activistes bruyants qui nous rappellent sans cesse que la voie de l’enfer est pavé de bonnes intentions.
Plus que jamais, le système politique et le paysage partisans nés après 2011 reposent sur un multipartisme inconsistant et la quasi-hégémonie d’un seul parti.
D’une certaine manière, c’est bel et bien un retour au parti unique qui se dessine à cause des connivences des uns, de l’incapacité des autres et de l’hybris dévorante de quelques vétérans.
De fait, ce déséquilibre partisan devenu flagrant ne reflète pas la réalité de la société tunisienne mais l’inconsistance des partis qui se sont emparés de la représentativité du camp moderniste, progressiste et démocrate.
La défaillance est dans les partis de l’ensemble de l’opposition à Ennahdha qui ne parviennent ni à parler d’une même voix ni à se solidement structurer. Et c’est cette défaillance ainsi que l’âme de girouettes intéressées de plusieurs « leaders » qui font le lit nahdhaoui et par ailleurs expliquent le retour en force des destouriens autour du parti créé par Abir Moussi.
Autrement, l’illusion d’un multipartisme véritable est en train d’apparaître au grand jour et s’apparente de plus en plus à un piège savant et insidieux tendu à la transition démocratique tunisienne.