De nos jours, faire trempette dans la mer est de moins en moins Ă©vident. Il est loin le temps oĂą les habitants des citĂ©s autour du golfe de Tunis pouvaient se permettre un plongeon dans des eaux limpides sur fond de plages quasi dĂ©sertes et parfois, Ă l’image de celles de Raoued ou Borj Cedria en leur Ă©tat naturel.
La pollution, les rejets industriels, le tout Ă l’Ă©gout et le bĂ©tonnage du littoral sont passĂ©s par lĂ et ont presque eu raison de la beautĂ© et de la sĂ©rĂ©nitĂ© de nos plages.
Que faire alors si on désire piquer une tête dans les eaux de la Méditerranée ? Eh bien, il faut se préparer à un parcours du combattant sur fond de frustrations et de colère.
En effet, ce qui reste de nos plages est Ă tout le moins trois fois confisquĂ©. D’abord confisquĂ© par des commerçants patentĂ©s qui vous font payer des fortunes indues pour un arpent de sable qu’ils accaparent. Ces marchands du littoral sont redoutables et pratiquent une forme inĂ©dite d’enrichissement sans cause, dans la mesure oĂą les services qu’ils rendent sont loin d’ĂŞtre convaincants.
Ensuite, nos plages sont confisquĂ©es par une foule incroyable qui s’y agglutine tous les jours dès les premières heures dans une ambiance outrancière oĂą la violence verbale et les comportements Ă risque font bon mĂ©nage. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si nous dĂ©plorons autant de morts par noyade sur nos plages. Surpopulation, scandale et crasse immonde dominent ces jeux de foule qui, au jour le jour, font de lieux de loisir balnĂ©aire des prolongements de toutes les dĂ©rives.
Enfin, nos plages sont confisquĂ©es une troisième fois. Car lorsque les baigneurs du jour s’en vont, ils laissent aux bons soins des Ă©boueurs des tonnes de dĂ©tritus, jonchant le littoral, enfouis dans le sable ou volant au grĂ© des vents tels des oiseaux de plastique noir.
Ainsi vont les dimanches au bord de l’eau et nul n’y pourra rien car aucune police de l’environnement ou Ĺ“uvre de sensibilisation ne sera entendue par une foule sans codes de conduite conviviale.
D’ailleurs, ce qui vaut pour la plage vaut pour beaucoup de lieux publics. Une rame de mĂ©tro, une rue passante, un site historique ou le littoral seront dĂ©gradĂ©s de la mĂŞme manière par cette absence de conscience citoyenne, Ă©cologique ou simplement civique.
Paradoxalement, cette folie destructrice s’accentue et devient peu Ă peu un comportement attendu, « normal » et tolĂ©rĂ©. Signe Ă©loquent de notre perte de repères, ces comportements se retrouvent partout, de l’Ă©cole au stade en passant par une rue vulgaire et triomphante.
La rue et ses dérives ressemble comme une jumelle à la plage et son spectacle. Comme pour confirmer le fameux « Sous les pavés, la plage »!