C’est toujours un bonheur et un moment de grâce. Il suffit de me retrouver devant le mihrab du Ribat de Sousse pour cĂ©der Ă cette Ă©motion oĂą la ferveur le dispute paisiblement Ă la jubilation.
C’est que ce mihrab est Ă nul autre pareil. Il est restĂ© dans son Ă©tat originel depuis plusieurs siècles et constitue un tĂ©moignage d’autant plus prĂ©cieux qu’il est unique.
Soulignons que le mihrab est la niche qui, dans toute mosquée, oriente la prière. Construit avec des matériaux de remploi, celui du ribat de Sousse est le plus ancien de la ville.
En outre, le ribat de Sousse, datant de 821, est le plus ancien monument musulman de la ville. A l’Ă©tage de cet Ă©difice se trouve un oratoire de taille modeste, avec deux travĂ©es parallèles au mur de la « qibla » oĂą se trouve ce mihrab.
Le dĂ©pouillement du mihrab, sa couleur ocre qui fait rejaillir le souvenir antique, son isolement dans ce fort qui surplombe la mer font de ce lieu sacrĂ© l’un des plus emblĂ©matiques qui soient.
L’ayant visitĂ© des centaines de fois, il continue Ă exercer sur moi un mystĂ©rieux magnĂ©tisme, celui des monuments premiers et aussi celui de toute simplicitĂ©.
Ici point d’ornement ni de marbre. Rien que cette niche iconoclaste qui suggère la divinitĂ© par la grâce du vide qui devient aussi le plein. Rien que la nuditĂ© patinĂ©e de la pierre et une austĂ©ritĂ© certaine.
Je reviens toujours vers ce mihrab des premiers temps de l’islam tunisien, cet oratoire dans un fortin qui a garĂ© sa configuration initiale après plus de douze siècles.
Immuable, mystique et impassible, il me renvoie au tout premier mihrab, sans doute celui de la mosquĂ©e de MĂ©dine qui lui est antĂ©rieur d’un siècle.
A Sousse, au cĹ“ur du Ribat, c’est en tous cas le seul mihrab qui n’a probablement connu aucune modification depuis sa construction. Cela en fait l’un des lieux les plus vĂ©nĂ©rables de Tunisie, du Maghreb, d’Afrique de l’ouest et d’Andalousie.
C’est probablement pour toutes ces raisons qu’il continue Ă m’aimanter et que je continue Ă m’y recueillir comme le ferait un sage soufi qui ne cède jamais Ă l’ostentatoire et rĂ©pond aux appels de son coeur dès qu’il se trouve confrontĂ© Ă ce jeu subtil de la pierre et de la foi…
