Nos ancĂŞtres avaient toujours quelque chose Ă grignoter et les grands enfants de soixante ans et plus en savent tous quelque chose…
Ni barres Ă©nergĂ©tiques ni cakes ou biscuits ! A l’Ă©poque dont je vous parle, on se contentait de graines et de baies et ces grignotages continuent Ă avoir cours dans certaines de nos familles ou de nos rĂ©gions.
Prenons par exemple le fameux « boujbiba hamra » que l’on pourrait traduire par l’expression « tout de rouge costumé ».
Il s’agit du fruit rouge vif de l’arbousier que des marchands ambulants vendaient dans les rues des mĂ©dinas.
Ces baies rougeâtres étaient vendues par cinq, enfilées dans un fétu de paille ou une brindille quelconque.
On les dégustait telles quelles ou bien écrasées sur un morceau de pain. Certains les saupoudraient de sucre pour mieux faire passer leur acidité naturelle.
Les vendeurs de « boujbiba hamra » Ă©taient considĂ©rĂ©s comme des hĂ©ros par la marmaille bruyante des faubourgs. En effet, il existait de mon temps, une lĂ©gende selon laquelle les arbousiers desquels Ă©taient cueillies ces baies, ne se trouvaient que dans des forĂŞts profondes et peuplĂ©es de lions et d’animaux sauvages.
On racontait alors qu’il fallait de vĂ©ritables expĂ©ditions pour aller chercher ces baies si rares et si dĂ©licieuses. Pour ces safaris, cent hommes ne suffisaient pas et, surtout, ne revenaient jamais car dĂ©vorĂ©s par les lions.
Du coup, le marchand ambulant Ă©tait ressenti comme l’unique survivant de ces expĂ©ditions exotiques et meurtrières. Comme Jason ou ThĂ©sĂ©e, il accĂ©dait aux yeux des enfants Ă la dignitĂ© de hĂ©ros, ce qui d’ailleurs faisait tourner son commerce.
De nos jours, on ne voit plus dans nos rues ces marchands d’un temps dĂ©sormais rĂ©volu et qui avait de nombreux personnages hauts en couleur.
Les gourmands de l’Ă©poque mangeaient aussi du « nbeg » ou du « hab aziz ». Les « nbeg » Ă©taient des fruits du lotos et bien secs se conservaient longtemps. Quant au « hab aziz », c’Ă©tait le fruit du peuplier et se vendait au printemps.
J’en arrive maintenant au « foul moqli », autrement dit les fèves grillĂ©s que nos ancĂŞtres croquaient avec dĂ©lices après les avoir dĂ©cortiquĂ©es.
ComplĂ©tons ce tableau des snacks de papy avec le « dreyou » c’est Ă dire la baie de peuplier. On la mangeait grillĂ©e avec une poignĂ©e de pois chiches.
Ces derniers Ă©taient le rĂ©gal de l’Ă©poque et on les dĂ©gustait lĂ©gèrement grillĂ©s pour goĂ»ter toute leur saveur.
Et, mĂŞme si les temps ont bien changĂ©, nos sĂ©niors ont pour la plupart gardĂ© certains rĂ©flexes qui maintiennent ces traditions de grignotage. Mais comme on dit, tout cela est devenu « fel », c’est Ă dire aussi rare qu’un fumet de nostalgie…
