Parfois, l’envie de feuilleter mes bons vieux dictionnaires me prend subitement. TantĂ´t pour fixer le sens d’un mot, tantĂ´t pour retrouver une racine ou la trace d’un mĂ©tissage…
Classes de latin Ă Carnot
C’est ainsi que le vieux latiniste qui sommeille en moi se rĂ©veille et se souvient de ses profs, souvent impitoyables lorsqu’il s’agissait de thèmes et de versions ou encore d’Ă©tymologie.
C’Ă©tait le bon vieux temps de Carnot et des classes de latin, avec mes maitres successifs: madame Godard, madame Naccache, madame Collod et, pour prĂ©parer le bac, monsieur BarrĂ©.
La passion de l’Ă©tymologie
Ces études classiques, même avec le recul de quarante ans, laissent une trace indélébile, des réflexes différents de ceux des matheux mais tout aussi précis voire maniaques.
C’est alors que, parfois, adossĂ© Ă cette tradition, je m’aventure Ă la recherche de quelques Ă©tymologies.
Après le burnous, le borj
Il y a quelques mois, nous sommes allĂ©s Ă la recherche du burnous. Et, en ces premiers jours de Ramadan, je vous inviterai Ă dĂ©mĂŞler avec moi l’Ă©cheveau des origines du mot arabe « Borj ».
De toute évidence, ce terme de « borj » provient du latin, tout en sachant que le mot latin provient lui-même du grec.
Pistes grecques et latines
Du coup, il existe deux hypothèses. Soit « borj » est entrĂ© dans la langue arabe directement du grec, soit ce serait par le latin. Voyons donc cela de plus près…
En grec, « pyrgos » signifie « tour ». Plus prĂ©cisĂ©ment, il s’agit d’une tour oĂą les chefs de tribus avaient leur rĂ©sidence fortifiĂ©e, un lieu de vie mais aussi un lieu oĂą ils gardaient leurs rĂ©coltes et leurs butins. Un peu Ă l’image des « ksours » du sud tunisien.
L’exemple de Turris Tamalleni
L’Ă©quivalent latin de « pyrgos » n’est autre que « turris ». D’ailleurs, la toponymie latine de Tunisie a gardĂ© la trace de plusieurs Turris. Par exemple, Telmine dans le Nefzoua se nommait Turris Tamalleni. Plus intrigant, un quartier de Telmine se nomme encore Torra. On y trouve près de Ain Gherig les traces d’un barrage antique.
De pyrgos Ă burgus
En latin, le mot grec « pyrgos » a donnĂ© ensuite « burgus » qui signifie fortin. Il s’agissait en principe d’ouvrages fortifiĂ©s sur la frontière romaine, le fameux limes.
Ce terme de « burgus » a incontestablement donnĂ© notre « borj » qui rĂ©sonne comme un cousin Ă©tymologique. L’emprunt s’est fait Ă travers l’enchevĂŞtrement des siècles et le mystère d’EpimĂ©thĂ©e…
Vieux français et Chanson de Roland
Terminons avec un regard sur les langues europĂ©ennes. En langue française, « burgus » a donnĂ© « bourg » qui signifie une agglomĂ©ration jouissant au Moyen-Age d’un droit de fortification.
En vieux français, on trouve dans la Chanson de Roland les termes « borc » et « burc » au sens de place fortifiée.
Occurrences allemandes, espagnoles et portugaises
Que dire alors de l’espagnol El Burgo ou du portugais Burgos ? Ils proviennent aussi de « burgos » !
Enfin, en allemand, le terme « burg » accompagne bien des toponymes. Il signifie Ă l’origine aussi bien chateau-fort que petit village. On utilise d’ailleurs « Burg » dans plusieurs mots allemands qui signifient ville ou maire (Burgmeister).
Du borj tunisien au boro anglais
En anglais aussi, « boro » est un lointain cousin du « borj » tunisien… Alors que vous soyez Ă Borj El Amri, Borj el Aifa, en haut de Borj Ali Rais ou dans un borj sfaxien perdu dans les jnène du sud, n’oubliez pas que les mots ont une histoire et que cette histoire nous raconte bien des mĂ©tissages…
H.B.