D’une certaine manière, Tunis est bel et bien morte. Les rues grouillent de vie et pourtant cette profusion a du mal Ă rendre Ă la ville son identitĂ©, son caractère, son quotidien.
Depuis que la ville tourne le dos Ă son port et Ă la MĂ©diterranĂ©e, elle a profondĂ©ment changĂ©. Depuis que Tunis a abandonnĂ© ses communautĂ©s plurielles Ă leur sort, les a condamnĂ© Ă l’exil en les laissant partir Ă©plorĂ©s, une sorte de damnation biblique semble peser sur la ville.
HĂ©rissĂ© de tavernes, peuplĂ© de loubards et de prostituĂ©es, le centre historique de la capitale ressemble aux Ă©curies d’Augias. Les quartiers de la mĂ©dina sont quant Ă eux squattĂ©s par la peur et le dĂ©shonneur et se transforment peu Ă peu en bas-fonds plus sordides les uns que les autres.
Partout, l’angoisse, le stress, la dĂ©linquance, la drogue… S’aventurer la nuit sur certaines « avenues » – plutĂ´t d’innommables dĂ©potoirs – est devenu dangereux. Et, de toute façon, c’est Ă peine mieux pendant la journĂ©e…
Pendant ce temps, la nouvelle nomenklatura construit ses palais dans les vergers de Mornag et ce qui reste de la Soukra, jadis ceinture verte de la ville.
Tunis est bel et bien morte et son esprit ne lui a pas survĂ©cu. Comme moi, plusieurs de ses enfants en sont rĂ©duits Ă un destin de zombies – morts-vivants ou plus prĂ©cisĂ©ment vivants-morts – dans un champ de ruines.
Il est presque temps de rĂ©diger l’acte de dĂ©cès puis l’Ă©pitaphe de cette ville qui fut notre berceau, notre drapeau et qui lentement devient le gouffre qui nous engloutit, la tombe des rĂŞves et de la rĂ©volution trahis…
H.B.
