Il y a des jours, c’est comme ça, une envie irrépressible de remonter toutes les horloges me prend et ne me quitte plus.
Temps sacré à la puissance cinq
Je ne sais pas pour vous mais en ce qui me concerne, ces horloges muettes, quasiment mortes, me font penser aux intégristes qui envahissent ce pays en rêvant de remonter le temps, revenir en arrière vers des époques fantasmées, échapper au réel en installant un déni qui peut basculer dans la violence.
Ces horloges du temps arrêté semblent en effet leur donner raison. Leur immobilité se conjugue à l’immobilisme névrotique des barbus sans foi ni loi.
Immobilisme névrotique et splendeur fantasmée
Le fait que nous passions devant ces horloges sans heure est lui aussi révélateur. Au fond, qui se soucie du temps public lorsque les mosquées nous dictent cinq fois par jour le temps sacré.
Et puis, en termes de temps, nous aimons vivre à l’ancienne avec ces expressions désuètes de « ma hararch » ou « ellareb », qui cultivent une imprécision relative et se soucient peu d’exactitude.
Dans le vague un peu flou du temps approximatif
Ceci n’expliquant pas cela, à moins de tordre le cou à la logique, il est tout de même révélateur qu’une horloge sur la place publique puisse rester en panne des décennies et parfois des siècles sans que quiconque ne crie gare.
Je pèse mes mots lorsque je parle de siècles puisque l’horloge du minaret de Testour est restée muette pour trois siècles avant que l’ingénieur Abdel Halim Koundi ne trouve la parade.
Ce que Koundi a fait à Testour est superbe. Avec des fonds dérisoires puis un appui du Goethe-Institut, il a réparé une horloge séculaire qui plus est antihoraire. En haut du minaret de la grande mosquée, cette horloge est un véritable mystère qui, désormais, semble élucidé.
Abdel Halim Koundi et le miracle de Testour
Du coup, j’ai eu, avec ce billet, l’intention d’inviter Abdel Halim Koundi à étudier la possibilité de réparer deux ou trois horloges qui me turlupinent depuis des lustres. Cet ingénieur à la retraite me fait savoir que rien n’est impossible en la matière et souligne que seuls les fonds manquent.
Peut-être une dynamique comme celle qui a mené à la restauration de l’horloge de Testour… Peut-être un coup de pouce de quelques associations et des pouvoirs publics… De toute manière, il ne s’agit pas de milles et de cents mais simplement de remonter quelques horloges…
Du Passage à la Kasbah
La première de ces horloges se trouve au Passage, au dessus d’un immeuble qui domine les parages. Elle est en panne depuis au moins cinquante ans, sinon plus. Pour faire un peu plus désordre, l’horloge de la station de métro tombe elle aussi régulièrement en panne.
La seconde horloge se trouve rue de la Kasbah au-dessus de l’un des services du Premier ministère. Muette depuis mon enfance, elle attend toujours, comme une Belle au bois dormant, celui qui lui rendra son tic-tac vital.
Horloges silencieuses et temps inamovible
La troisième se trouve dans les locaux de la Maison de la radio. En fait, elles sont deux, l’une ayant perdu ses aiguilles et l’autre confinée dans le silence. M’est avis qu’il doit y en avoir d’autres. A nos lecteurs de nous le faire savoir!
En tous cas, dans un pays qui fait du surplace, ces horloges silencieuses sont loin d’être une métaphore de progrés et leur remise à l’heure pourrait conjurer le sort et annoncer un 2016 plus dynamique que les années précédentes. Certains, à tort, rétorqueront: « Où donc peuvent aller nicher les superstitions! »
Le carillon de Sfax est ponctuel
Mais il s’agit ici simplement d’heure juste et d’horloges qui avancent. Bien sûr, je pourrais aller me ressourcer à Sfax en écoutant le carillon très ponctuel de l’horloge de l’hotel de ville.
Je pourrais tout autant me rendre à la Kasbah sur la place du gouvernement pour y admirer l’horloge, elle aussi exacte, qui surplombe le ministère des Finances.
Avec le temps, comme dit la chanson…
Mais nous n’en sommes pas là et avons de toutes les manières appris à vivre hors du temps à cause justement de l’air du temps ou plutôt puisque nous n’avons plus le temps.
Au point où certains d’entre nous pensent vivre en 1437 alors que d’autres s’apprêtent à accueillir 2016. Ceci sans souligner que nos frères juifs en sont déjà à l’an 5776. Avec le temps, comme dit la chanson…
H.B.