[dropcap]T[/dropcap]unis | Chaque annĂ©e, les proches et amis de Zouhair Yahiaoui, pionnier de la cyberdissidence en Tunisie, organisent une rencontre en sa mĂ©moire. Ce vendredi 13 mars 2015, Ă l’occasion des 10 ans de sa disparition, la rencontre sera organisĂ©e par l’association des blogueurs tunisiens Ă l’espace Cogite Ă partir de 18h30.
Un visionnage d’un mini-documentaire retraçant la vie d’Ettounssi sera au programme suivi par le tĂ©moignage de ses amis et proches.
Arrêté à cause de mots publiés sur internet
Il y a 13 ans, un Tunisien a mis sur internet la phrase suivante : « Selon vous, la Tunisie est-elle une république, un royaume, un zoo, une prison ou rien ? »
Il portait le pseudonyme d’Ettounssi, car, le rĂ©gime dictatorial de Ben Ali traquait les pensĂ©es critiques aspirant Ă plus d’Ă©quitĂ© et de LibertĂ©. Ce jeune homme, trentenaire, travaillait dans un cybercafĂ© Ă Ben Arous. La police est arrivĂ©e. ArrĂŞtĂ© en juin 2002, il est condamnĂ© Ă Â 18 mois de prison.
Sa fiancĂ©e Ă l’Ă©poque, Sophie Piekarec, a appris son arrestation le 4 juin 2002 par un e-mail d’un de ses amis qui lui disait “au secours, notre ami a Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©, il faut faire quelque chose”. Avec les quelques amis virtuels – anonymes ou non – de Zouhair, ils ne savaient pas trop comment rĂ©agir jusqu’à ce que son oncle le juge Mokhtar Yahyaoui diffuse un appel Ă la solidaritĂ© durant la nuit qui a suivi.
Un comité de défense a été mis en place mais ses proches sont restés sans nouvelles de lui pendant une semaine puis son premier procès a eu lieu, puis un second en appel où il a été condamné à deux ans de prison.
Il a passé un peu de temps à la prison du 9 avril à Tunis, puis il a été transféré à la prison de Borj El Amri où il a effectué la quasi-totalité de sa peine. Un comité international de soutien a été mis en place.
A cause de ses mots, Zouheir Yahyaoui a été torturé et humilié, pour « propagation de nouvelles dans le but de faire croire à un attentat contre les personnes et contre les biens » et « vol par utilisation frauduleuse de moyens de communication ».
Il est libĂ©rĂ© le 18 novembre 2003 mais deux ans plus tard, le 13 mars 2005, Zouheir Yahiaoui, alias Ettounssi, dĂ©cède Ă la suite d’une crise cardiaque.
Eveiller l’esprit critique
Zouhair Yahiaoui a créé un forum appelé TuneZine. Il y critiquait avec sarcasme et un humour inĂ©branlable les mĂ©thodes de l’ancien rĂ©gime et du prĂ©sident en place, appelĂ© ironiquement « ZABA ». Le but de TuneZine Ă©tait d’Ă©veiller les esprits, militer contre les injustices et la censure en Tunisie.Â
Le site Ă©tait divisĂ© en deux parties : l’e-mag que Zouhair mettait en page en incluant des communiquĂ©s, infos et les meilleures contributions du forum et le forum.Â
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Les participants au forum étaient “addict” et ne passaient pas une seule journée sans se connecter. Ettounsi était très tolérant et très ouvert à toutes les opinions et il laissait volontiers tous ceux qui le souhaitaient s’exprimer à leur gré. De plus sa bonne humeur était communicative et il donnait beaucoup d’espoir aux gens qui le lisaient, car il arrivait à les faire rire de leur propre malheur. Rire d’une dictature kafkaïenne donne des forces… », nous confie sa fiancée Sophie Piekarec
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JournĂ©e nationale pour la libertĂ© d’Internet, en mĂ©moire d’Ettounssi
Après la rĂ©volution, en 2012, la prĂ©sidence de la RĂ©publique a fait de ce jour du 13 mars la JournĂ©e nationale pour la libertĂ© d’Internet, en mĂ©moire du pionner de la cyberdissidence en Tunisie.
Cette journĂ©e est dĂ©diĂ©e aux cyberdissidents qui ont militĂ© pour la libertĂ© de l’Internet sous la dictature de Zine el-Abidine Ben Ali, en particulier Ă Zouhair Yahyaoui, puisque la date de sa disparition est devenue l’emblème de tout un combat.