أنصفوك المدح أم لم ينصفوا
أنت فوق المدح أنت «المنصف»
يا مليكًا يا ابنً خير ملك
أنت فينا للأماني هَدَفُ
Nous allons consacrer cette dernière chronique à Moncef Bey à quelques faits saillants de sa vie et de son règne. Rappelons, pour commencer que la première mesure qu’il a prise, dès son investiture, a été de dispenser les sujets de baisemain traditionnel et séculaire car il ne voulait plus les voir accomplir ce geste servile, déclarant qu’il y a là un geste d’idolâtrie humiliant pour l’être humain, ajoutant : « J’exige qu’on me serre la main, car je ne suis pas, seulement, votre souverain, je suis, plutôt, votre père et vous êtes mes enfants. Soyez des hommes, des hommes étroitement unis », conclut le souverain, en serrant la main à la personne la plus proche qui s’inclinait devant lui. Désormais, les salutations devaient se faire par poignée de main ou par accolade. A ceux qui ne, pouvaient, encore, s’y résoudre, le Bey les empêchait en retirant sa main.
Mais le baisemain sera rétabli dès que Lamine Bey sera installé sur le trône husseïnite en mai 1943. Lors des festivités religieuses de la nuit du 26 Ramadan, comme le veut la tradition, le Bey régnant visite sa capitale. Moncef Bey s’arrête au Mausolée de Sidi Ali Mohsen et à l’oratoire de Sidi Mehrez avant de rejoindre le Dar El Bey. Le Bey réunit les caïds, Kahias et Khalifats qui avaient été convoqués dans la capitale pour leur dire : « Vous êtes mes représentants dans vos districts, vous devez travailler afin d’améliorer le sort de vos administrés et appliquer la justice parmi mes sujets. Je veux que vous soyez intègres, probes et dévoués à la chose publique. Si l’un de vous se montre au-dessous de sa tâche, je n’hésiterai pas à sanctionner son erreur ou sa négligence avec toute la rigueur qu’elle mérite ».
Ce fut ensuite la visite traditionnelle de la Zaouia de Sidi Ben Arous, de Sidi Brahim Riahi, de Sidi Mehrez et de Sidi Chiha. Après la rupture du jeûne au Dar El Bey, à la Kasbah.
A 21h30, le cortège Beylical quitte la Kasbah pour faire la visite des souks ou l’attendait une foule dense et enthousiaste.
Devant la vue de certains déshérités, le Souverain vide ses poches de l’argent qu’elles contenaient et le donne aux pauvres ; il vide également celles de son directeur des affaires intérieures du palais puis se tournant vers ses ministres, leur dit en souriant « C’est votre tour, voulez-vous me prêter l’argent que vous avez », et aussitôt il le distribue.
Ayant appris que, dans le courant de la soirée, un toit des souks s’était effondré, faisant quatre blessés parmi les ouvriers qui préparaient les festivités, le souverain tint à se rendre à leur chevet à l’hôpital Sadiki.
Moncef Bey visiblement de plus en plus soucieux de vouloir démontrer qu’il est maître chez lui et afin de rassurer son entourage, multiplie les déplacements aux environs de la capitale, et n’hésite pas à prendre des bains de foule au cours desquels il déclare solennellement qu’il a besoin, pour parfaire son action en faveur du peuple, de l’union de tous les Tunisiens autour de sa personne.
Le 15 août, Moncef Bey visitait Radès où l’accueil que lui réserva la population était qualifié de « sans précèdent » dans l’histoire tunisienne, cet accueil était à ce point enthousiaste que, rentré à sa résidence de la Marsa, le bey avait déclaré « un peuple qui reçoit son souverain d’une façon aussi grandiose, a droit à la plus grande sollicitude, il faut absolument faire en sorte que ce peuple vive dans la quiétude à laquelle il aspire », et, s’adressant à son entourage immédiat « à vous de remontrer le cœur de la population et de veiller sur elle, c’est ainsi que vous acquériez sa déférente affection et que Dieu vous accordera une position élevée ».
Flatté par l’accueil qui lui avait été réservé, prenant goût aux fastes des réceptions et de la griserie des bains de foule, le bey se rendit le vendredi 28 août 1942, à l’Ariana et se recueillit sur la tombe du Mausolée du saint de la ville, Sidi Ammar. Lors de la visite et après les discours d’usage, Si Ali Ben Salem s’avance pour psalmodier des versets du Coran, mais dans un sentiment de déférence pour le texte sacré, le Souverain se lève et offre son fauteuil au lecteur, et, debout avec l’assistance, écoute les versets coraniques dans un profond silence.
Le 3 septembre, c’est autour de la Goulette où, là encore, musulmans et juifs se disputaient à qui chanterait le plus haut les louanges et la gloire du souverain. Le lendemain, 4 septembre, visite de la Manouba, qui fut qualifiée par la presse de langue arabe « de journée historique »… Le bey a prêté serment devant la foule assemblée et à haute voix sur le Coran de servir avec fidélité et dévouement complet les intérêts du peuple tunisien.
Ce serment public qui fit beaucoup de bruit à l’époque n’était pas programmé à l’avance lors de cette manifestation. Ce n’est que lorsque un notable, Mustapha El Béhi, remet au bey, au nom du comité d’accueil un coffret d’argent renfermant le livre saint ainsi qu’un chapelet en ambre en souvenir de sa visite à la Manouba que le bey très ému, fit spontanément le serment solennel sur le Coran de servir la Tunisie avec un loyalisme constant.
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Sources : les ouvrages d’Omar Khlifi et Saïd Mestiri
1) A propos du baisemain, un proverbe tunisien affirme que :
من يمدّ يدّو للبوس٬ يقدم على القتل وقصّ الروس
(Prochain article :
II – Un grand réformateur)
Moncef CHARFEDDINE
Tunis-Hebdo du 10/09/2018