Ils sont de plus en plus nombreux depuis cette triste date de 2011, alors que les « incorruptibles », ceux qui ont le pouvoir de juger ces criminels, dans différentes institutions de l’Etat, et qui doivent avoir les moyens de le faire, deviennent de plus en plus rares …
C’est à quelque chose près les conclusions que nous tirons des résultats de l’Afrobaromètre sur la corruption en Tunisie, basées sur un sondage qui vient d’être effectué auprès d’une frange de la population. Conclusions qui sont étayées par différentes études menées à ce sujet.
Le premier constat à faire concernant ce phénomène qui gangrène tous les rouages de l’Etat et va grandissant, c’est que l’inefficacité de l’administration et la lourdeur de la bureaucratie poussent largement à la corruption et l’encouragent fortement.
Ce sondage fait état d’une poussée sans précédent de la corruption dont les taux sont en constante augmentation depuis 2011 (l’étude et les résultats de ce sondage ayant été entamés depuis 2013, date du 1er round ou vague dans ce volet).
Il s’avère, selon les avis des sondés, que la corruption touche en premier lieu la fonction publique au sein du gouvernement et toutes ses institutions, suivie des membres de l’ARP, les députés qui sont fortement désignés du doigt, puis la justice et ses composantes, les hommes d’affaires, la police et les religieux dans l’ordre de pourcentage de corruption.
Autrement dit, les fonctionnaires de l’Etat, à tous les niveaux de l’administration, et les députés sont de l’avis des Tunisiens les plus corrompus.
D’après les intervenants lors de cette conférence, il n’y a qu’un seul moyen de limiter la corruption et de l’éradiquer un tant soit peu, c’est l’intervention efficace de la justice, car, selon l’INLUCC, sur 459 dossiers présentés devant les instances judiciaires, moins de 10% ont été traités. Un constat d’une gravité sans précédent !!!
C’est que la justice ne fait pas l’effort nécessaire pour la lutte contre ce phénomène, alors que la grande calamité de l’impunité encourage largement ces corrompus à poursuivre leurs méfaits. Par conséquent, et comme l’a exprimé le député Sahbi Ben Fraj, l’un des intervenants, « Qui pourrait demander des comptes au juge, lorsque celui-ci feint à ses devoirs et obligations ?» …
L’autre facteur qui pourrait éradiquer d’une certaine manière la corruption, ce sont les audiences publiques dans les affaires de corruption et de leurs auteurs.
Mais ce qui encourage davantage ces corrompus c’est l’absence de l’application stricte de la loi, à quoi s’ajoutera « l’indifférence » de l’Etat face à ce phénomène.
Il n’échappe à personne non plus que durant ces dernières années d’après-14 janvier, il y a eu une large infiltration des institutions de l’Etat par ces corrompus qui ont constitué des cartels dans chaque secteur et administration, tout en érigeant un « code d’honneur » à se partager les dividendes des pots de vin ramassés : à chacun sa part et son « taux » dans les revenus découlant de la corruption, selon le grade et la taille de « l’intervention » … Ils ont même réussi à ériger un « Etat parallèle » bien plus puissant actuellement que l’Etat lui-même.
Cette pyramide de la corruption, et de la grande corruption qui sévit, étant bien en place, la lutte qu’elle nécessite est de longue haleine et exige une position politique claire à son égard, usant de tous les moyens pour y mettre fin.
L’engagement du pouvoir exécutif et judiciaire étant sollicité, ils devront avoir la détermination et la conviction, nécessaires et indispensables, pour l’éradiquer totalement, même progressivement, car il s’agit réellement d’une guerre identique, à quelque chose près, à la guerre menée contre le terrorisme.
C’est l’avenir de toute la nation qui est menacé et qui est en jeu à cause de cette gangrène d’une immense gravité sur notre présent et l’avenir de nos futures générations.
Jameleddine BEN ABDESSAMAD
Tunis-Hebdo 08/10/2018