Maintenant que Y.C a obtenu l’aval de l’ARP pour sa nouvelle équipe gouvernementale, que peut-on attendre de la dernière année de la législature avant la tenue des élections présidentielles et législatives qui auront lieu dans moins d’une année ?
Le feu vert des députés n’a souffert d’aucune espèce d’indécision après la coalition entre les Islamistes d’Ennahdha et leurs alliés, le bloc de l’Alliance Nationale et celui de Machrou Tounès.
Si l’on appréciait ce vote en victoire et défaite, il est clair que Y.C a battu aux points celui qui l’avait intronisé à ce poste, le Chef de l’Etat qui a exprimé depuis quelques semaines déjà son impuissance face à l’entêtement de son « rejeton » adoptif de ne pas quitter son poste, après le soutien indéfectible d’Ennahdha et le ralliement de Mohsen Marzouk, auteur de la fameuse idée, à la limite de la bouffonnerie, de la fin du conflit idéologique avec les Islamistes.
Le chef du gouvernement sort, donc, grand vainqueur d’un combat, en réalité inégal, si l’on se réfère aux dispositions de la Constitution qui ont singulièrement limité les pouvoirs du Président de la République. Cependant, cette année ne risque pas d’être de tout repos pour Y.C. Au contraire, elle sera déterminante quant à son avenir politique. Trois niveaux, au moins, seront décisifs.
En premier lieu, les choses sont désormais claires. Après avoir pendant longtemps renié tout lien avec Y.C, les langues des députés de l’Alliance Nationale se sont quelque peu déliées puisque ces députés ont finalement reconnu la fondation d’une nouvelle formation politique pour très bientôt qu’ils décrivent comme moderniste et centriste, et qui devrait avoir pour leader, celui qui l’a inspirée et œuvré pour sa constitution, le chef du gouvernement lui-même.
Pour l’instant, les personnalités qui avaient tenté de créer des partis ont lamentablement échoué. En sera-t-il de même pour Y.C ou au contraire réussira-t-il à rallier à lui l’électorat centriste, l’objectif de tous les courants politiques sans exception ?
La réussite comme l’échec dépendent de plusieurs paramètres comme la question centrale : faut-il ou non consacrer un nouveau consensus avec les Islamistes ? Cette orientation qui a plombé Nidaa Tounès, et auparavant Ettakatol, faisant fuir tout leur électorat, très hostile à Ennahdha…
En second lieu, Y.C se présentera-t-il aux élections ? Le pourra-t-il ? A-t-il accepté le niet des Islamistes ? A priori non, puisque les Islamistes, et comme à leur habitude, nient aujourd’hui avoir « sommé » Y.C de ne pas se présenter aux élections sous prétexte que le gouvernement devait se concentrer sur la résolution des questions socio-économiques.
Maintenant, ils lui mettent la pression en soulignant que leurs structures suivront le comportement du gouvernement souhaitant qu’il se consacre uniquement à la gestion des affaires publiques. Sur ce plan, Y.C et sa future formation politique se présenteront, sans aucun doute, aux échéances électorales avec l’intention de les rafler.
Là, tout dépendra de leur capacité de faire face aux coups bas des Islamistes et de convaincre cet électorat dont nous parlions ci-haut. C’est, peut-être, cette dernière tâche qui paraît la plus dure d’autant plus que les « mentors » de l’initiative du Chef du gouvernement ne sont guère crédibles et leur image est plutôt bien écornée aux yeux de l’opinion publique.
En troisième lieu, Y.C doit faire face à une situation socio-économique explosive. Certes, il a déclaré son intention de vouloir lutter contre l’inflation et l’amélioration du pouvoir d’achat dont l’érosion commence à être très inquiétante, mais ces intentions semblent difficiles à concrétiser.
Le maintien des mêmes responsables à la tête des départements « économiques » et le manque de détermination ou l’absence de vision sont des signes plutôt négatifs. De plus, il faudra faire face à la montée du mécontentement de l’UGTT.
Y.C pourrait, peut-être, parvenir à trouver un compromis pour éviter la grève générale de la fonction publique, et probablement le pourrissement de la situation, mais il doit savoir qu’il sera surtout jugé, dans la perspective de ces fameuses élections de 2019, sur son bilan social et économique, et les résultats concrets qu’il réaliserait pour l’ensemble des citoyens qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts.
C’est là, et nulle part ailleurs, qu’il devrait puiser pour espérer demeurer au-devant de la scène politique à cette même période de l’année prochaine…
Lotfi LARGUET
Tunis-Hebdo du 19/11/2018