Au 7 juin 2019, les quantités d’eau dans les barrages tunisiens ont atteint 1795 millions de mètres cubes. Ce stock est-il en mesure de subvenir à nos besoins en eaux d’irrigation et en eau courante ?
La saison 2018-2019 a été, somme toute, très abondante en eaux pluviales. Les pluies ont été accompagnées, parfois, par des inondations d’envergure. On se rappelle les pluies diluviennes qui s’étaient déversées, en septembre 2018, dans la région du Cap-Bon, entraînant, notamment à Nabeul, des dégâts importants au niveau de l’infrastructure routière et des habitations.
Les images surréalistes des crues d’eau entraînant dans leur passage voitures et même maisons sont encore gravées dans les mémoires des gens qui en étaient témoins et victimes à la fois.
La polémique a enflé, à l’époque, concernant la partie responsable de cette catastrophe naturelle. La population locale a tenu responsable la direction générale des barrages et des travaux hydrauliques qui, en allégeant sciemment les barrages de quantités importantes d’eau pluviales pour prévenir leur destruction, ont entraîné ces inondations, chose que la direction a réfutée, sans trop de conviction par ailleurs…
Quid de l’infrastructure hydraulique en Tunisie ?
La Tunisie dispose, aujourd’hui, de 34 barrages, 230 barrages collinaires, 894 lacs collinaires, 5400 puits et 13800 puits de surface. De nouveaux ouvrages hydrauliques sont, par ailleurs, en cours de construction.
Dans un pays comme le nôtre où les précipitations sont fluctuantes et diffèrent selon les régions, en raison de l’existence d’un climat méditerranéen, chaud et semi-aride en même temps, l’infrastructure hydraulique s’avère d’une nécessité vitale, aussi bien pour l’irrigation des terres agricoles que pour subvenir à nos besoins en eau courante.
En Tunisie, il est utile de préciser que le secteur agricole consomme près de 80% des ressources d’eau qui sont utilisées dans l’irrigation. 14% de ces ressources sont utilisées comme eau potable, 5% pour les besoins de l’industrie et 1% pour le secteur touristique.
Dans le monde, l’agriculture est, de loin, l’industrie ayant la plus grande consommation d’eau. L’irrigation des régions agricoles représente 70% de l’eau utilisée et dans plusieurs pays en voie de développement, l’irrigation représente jusqu’à 95% de toutes les utilisations d’eau…
Impact positif sur les fourrages et les céréales
Quel est l’impact de ces pluies sur la saison agricole ? Belhassen Guesmi, ingénieur agronome, considère que « les précipitations enregistrées cette année ont ceci de précieux qu’elles ont contribué à remplir substantiellement les barrages. Ceux du nord sont actuellement à 90% pleins, Sidi Salem, le plus grand barrage du pays, affiche, par ailleurs, complet. Les barrages du centre affichent, quant à eux, un niveau de remplissage moyen, de l’ordre de 38%, 72% pour les barrages du Cap-Bon ».
Pour ce qui est de l’impact des pluies sur la saison agricole, notre interlocuteur juge « importants les effets que cela entraînerait sur les quantités et la qualité des productions. Ceci est vrai pour les oliveraies, mais également pour les fourrages et les céréales, sans oublier l’impact des pluies sur la production de bois.
On devrait s’attendre, renchérit Belhassen, à la production d’un maximum de fleurs d’oliviers, ce qui donnerait lieu à une amélioration sensible des quantités et de la qualité d’huile d’olive. De plus, ces pluies vont accélérer la croissance des jeunes plantes pour avoir un produit au bout de 5 ans maximum.
L’impact est grand également sur les fourrages et les céréales. Belhassen Guesmi considère que « les pluies ont contribué à avoir un feuillage important, entraînant, par voie de corollaire, une augmentation du nombre de grains/épi, donc un rendement meilleur/ha. De plus, les pluies améliorent la qualité des grains. L’ingénieur agronome ajoute que le gain socioéconomique que l’on tire de ces pluies est important à plus d’une échelle, puisque touchant aussi bien les agriculteurs que les citoyens… ».
L’impact sur les nappes phréatiques
« Une pluviométrie importante permet, selon notre interlocuteur, de construire une réserve en eau et de lutter convenablement contre les périodes de sécheresse. Les nappes phréatiques, alimentées en eau de la pluviométrie par ruissellement, sont une réserve en eau de qualité pour nous tous. L’ingénieur considère que l’amélioration de la pluviométrie va réduire les coupures d’eau (eau potable et eau d’irrigation), mais ne répondrait pas totalement à nos besoins. »
Belhassen Guesmi se dit, enfin, « optimiste par rapport aux prévisions de la saison agricole. En plus de la hausse de la production nationale en céréales, l’état des parcours qui procurent de l’alimentation pour les bétails est bon dans l’ensemble. Je m’attends, également, à une amélioration de la production de lait et de viande ».
Espérons que cela aura, toutefois, un impact sur les prix. En Tunisie, qu’il pleuve ou qu’il sèche, les temps sont les mêmes !
Situation des barrages au 7 juin 2019
Barrage Mellague : 39 millions de mètres cubes (77% de sa capacité de remplissage)
Sidi Salem : 580 millions de mètres cubes (100%)
Bou Hartma : 98 millions de mètres cubes (88%)
Joumine : 97 millions de mètres cubes (82%)
Sejnane : 102 millions de mètres cubes (76%)
Siliana : 32 millions de mètres cubes (97%)
Bir Mchareg : 40 millions de mètres cubes (97%)
Sidi Saad : 71 millions de mètres cubes (54%)
Chahir CHAKROUN
Tunis-Hebdo du 10/06/2019