A la surprise générale, et non sans indignation, les médecins ont revu leurs honoraires à la hausse et décidé, unilatéralement, sans consulter quiconque, l’entrée en vigueur d’une nouvelle tarification.
Cette nouvelle fourchette de prix prévoit, notamment, une augmentation de dix dinars pour la consultation chez un médecin généraliste (de 35 à 45 dinars), vingt pour les spécialistes (de 50 à 70 dinars) et vingt-cinq pour les psychiatres et les neuros (de 50 à 75 dinars).
D’autre part, les visites à domicile, diurnes ou nocturnes, ont fait un bond encore plus substantiel : le généraliste passe de 52 à 67d500, le spécialiste de 75 à 105 dinars, les psychiatres et les neuros de 75 à 112d500.
Nous vous épargnons les tarifs de nuit de ces mêmes visites à domicile. Sachez simplement qu’un spécialiste, qui était payé 100 dinars pour une consultation, hors cabinet, entre 21 heures et 7 heures du matin, recevra, dorénavant, pas moins de 140 dinars.
Si le timing comme diraient certains est plus qu’inapproprié en ces temps où le pouvoir d’achat du Tunisien s’effondre à vue d’œil, tout autant que les finances des caisses sociales, le montant des «majorations» pratiquées sur les honoraires laisse carrément pantois.
Pour défendre cette mesure, le secrétaire général du Conseil national de l’ordre des médecins a rappelé que l’augmentation est appliquée tous les trois ans et que plusieurs facteurs ont été pris en compte pour la calculer : il s’agit de l’inflation de la hausse des charges d’un cabinet, des loyers, du prix du carburant, etc.
Moralité : c’est le citoyen qui subit toutes les augmentations possibles et imaginables sans réagir, de l’inflation à la flambée du prix des denrées alimentaires et des biens de consommation.
C’est, également, le citoyen qui supporte toutes les taxes, tous les impôts et toutes les formes de prélèvements sans voir, en contrepartie, son salaire majoré même de quelques centaines de millimes. Le médecin, lui, dès qu’il voit ses charges augmenter, même de quelques poussières, se rabat sur le montant de ses honoraires qu’il hisse au niveau qu’il veut.
Et dans tout cela, le ministère adopte une position démissionnaire qui ne nous étonne pas par ces temps où les ministres n’ont pas plus d’autorité sur le secteur de la santé que sur leurs propres chaussettes.
Le ministère vous sort donc un truc du genre que la hausse de la fourchette des honoraires des médecins ne relève pas de la compétence du département de la santé. Une explication qui ne fait que redoubler le courroux des citoyens et des organismes censés les défendre tels l’ODC, qui a condamné fermement ces augmentations jugées «illégales», brandissant la menace d’intenter des actions en justice contre le Conseil de l’ordre des médecins.
Mais à quoi cela servira-t-il, est-ce que les praticiens reviendront sur leur décision avec ces simples condamnations qui ne mènent nulle part ?
La partie la plus concernée par ces augmentations, à savoir la Caisse nationale d’Assurance maladie, ne s’est bizarrement pas prononcée, alors que la hausse va inéluctablement impacter le montant des remboursements de soins, sachant que les affections prises en charge intégralement (APCI) supposent un remboursement intégral aux affiliés.
Comment la CNAM va-t-elle accuser le coup et casquer davantage alors qu’elle s’ingénie à trouver les parades les plus rocambolesques pour alléger son fardeau. N’est-elle pas allée jusqu’à ne rembourser qu’une oreillette, et pas deux, aux malentendants ayant plus de soixante ans ?
N’a-t-elle pas exclu de nombreux médicaments des listes des remèdes remboursables sans qu’il y ait des génériques pour les remplacer ? Quelle ingénieuse trouvaille va-t-elle encore nous sortir ?
Cela dit, et pour ne pas s’enfoncer dans un débat qui a, moult fois, épuisé l’opinion publique, si les médecins de libre pratique et si les cliniques, qui coûtent, chaque année, des centaines de milliards aux citoyens, payaient leur dû à la communauté, le secteur de la santé aurait eu des sources de financement plus décentes, à condition, bien sûr, qu’il y ait un gouvernement et des responsables ayant un minimum d’intégrité. Ce qui n’est pas notre cas.
En attendant, le médecin qui, tout comme l’avocat, paie moins d’impôt qu’un veilleur de nuit, continuera à ramasser une fortune astronomique et à acquérir des biens immobiliers ailleurs qu’en Tunisie.
Imed BEN HAMIDA
Tunis-Hebdo du 17/06/2019