Les oranges dites «maltaises», dont le jus est généralement de couleur ocre, sont devenues presque inabordables, cette saison, pour la simple raison que la demande étrangère, spécifiquement pour ce type succulent de fruit, est devenue très forte en Europe. Alors que notre récolte s’est avérée cette saison moindre que d’habitude…
Savez-vous que la « Maltaise », comme son nom l’indique, nous est venue, il y a 250 ans environ, de l’île de Malte. Celle-ci est constituée d’un archipel de huit îlots dont seuls les quatre plus grands sont habités. Elle est seulement à une demi-heure d’avion de chez nous.
C’est un pays qui a été, au passé, occupé, entre autres, par les Aghlabides débarqués de la Tunisie, lors de la conquête de la Sicile. Du reste, sa situation stratégique, entre l’Occident et l’Orient, lui a valu la convoitise de plusieurs puissances de l’époque, y compris lors de la Seconde Guerre mondiale.
Les Maltais parlent actuellement une langue truffée de mots puisés dans le dialecte sicilien, italien et arabe. Et leur langage nous est tout à fait compréhensible. Comme par exemple la dénomination «le ministère des Afariet Al-Kharijia» pour le ministère des A.E. Ou bien «Inti sabiha» pour dire «Vous êtes belle (ou beau)» ; ou encore «Bikem» («Combien ?»).
Notons que les Maltais ont connu les affres de plusieurs occupations étrangères dont celle, avant l’ère chrétienne, des Carthaginois. Napoléon, entre autres, y fit une longue escale avant de partir à la conquête de l’Egypte.
De leur côté, les Ottomans y séjournèrent durablement en y laissant des traces à jamais indéfectibles dont la langue et les affinités socio-économiques avec les Maghrébins, particulièrement les Tunisiens.
Puis ce fut au tour des Anglais de s’emparer de l’île et de l’occuper jusqu’en 1964, date de son indépendance, acquise grâce à l’apport décisif de son leader Dom Mintoff.
Par ailleurs, il paraît que parmi les Andalous musulmans et juifs chassés d’Espagne en 1492, il y a des agriculteurs qui ont introduit dans l’archipel ce type d’oranges si apprécié. Ceux-ci, à leur tour, l’auraient ramené depuis l’Asie Centrale…
Notons que le jus de ces maltaises est devenu, depuis le XXème siècle, la boisson nationale de ce petit pays, sous l’appellation « Kimmie ».
Toutefois, dans les bars et lors des fêtes, on lui additionne quelques portions d’alcool, comme le Martini ou le Whisky, s’agissant surtout de concurrencer l’expansion de la Coca-Cola coupée avec de l’alcool. Le « Kimmie » est une boisson qui rafraîchit et donne de surcroît plus de force.
Malte vit et prospère grâce à l’apport des touristes, particulièrement ceux débarquant de Grande-Bretagne dont ils parlent couramment la langue. Ce qui facilite d’autant plus le contact avec l’étranger, c’est le fait que les Maltais connaissent plusieurs langues à la fois dont l’italien, le sicilien, l’anglais et surtout l’« arabe maltais », assez proche de l’arabe ifriqyen.
A La Valette, par exemple, il est rare de voir des enfants désœuvrés, jouer dans les rues. Ils sont tous occupés quelque part, soit à étudier, soit dans les bibliothèques, voire dans les salles de sport.
Pour celui qui visite, pour la première fois, cet archipel, il est étonné de la ressemblance de l’architecture maltaise à celle, entre autres, de la Tunisie. Savez-vous, par exemple, que le Hilton de la Valette est plus tunisien dans sa conception que le nôtre, l’actuel Sheraton ?
Toutefois, Malte souffre d’un handicap majeur. Il s’agit de la rareté de l’eau potable. Dès lors, rien d’étonnant de voir des écriteaux accrochés aux différents robinets des hôtels et autres lieux, incitant la clientèle à économiser l’eau en ces termes : « Si vous aimez Malte, ne gaspillez pas l’eau ! ».
Selon le professeur Alfonso CAMPISI ** qui exerce dans l’une de nos universités, les Maltais ont toujours immigré vers les villes et les grandes agglomérations siciliennes auxquelles ils sont liés par le voisinage et la langue. Et cela, particulièrement entre 1419 et 1846.
« Mais l’émigration la plus récente des Maltais – d’après cet érudit, auteur d’un article paru dans la Presse de Tunisie, en date du 6 février dernier – est une histoire proche et profonde touchant directement la Tunisie. Là où précisément, au début du XIXème siècle, exactement à partir de 1830, elle a été l’une des premières destinations de la migration massive des Maltais.
Sans surprise, les migrants maltais ont préféré s’installer dans les villes côtières : Tunis, Sousse, Monastir, Mahdia, Sfax, Djerba et Moknine, trouvant du réconfort dans la même mer qui baigne les côtes de leur patrie. »
M’Hamed BEN YOUSSEF
Tunis-Hebbo du 28/02/2022
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* « Malta El Hanina, khobz u sardina » : c’est là un dicton qui était au passé en vogue chez nous, à propos de cette communauté connue pour être laborieuse et qui s’est vite fondue dans la population tunisienne.
** Alfonso Campisi a présenté, tout récemment, un film à Tunis intitulé « Siciliens d’Afrique, Tunisie, Terre promise », réalisé par Marcello Bivona.