Ce matin, sur les ondes de RTCI, Me Ezzeddine Mhedhbi a fait de nouvelles rĂ©vĂ©lations concernant la polĂ©mique autour de sa dĂ©mission de la Commission nationale d’investigation sur les affaires de corruption et de malversation (Cniacm).
Une intervention fort intĂ©ressante, mais faute de temps beaucoup n’a pas Ă©tĂ© dit. Ce qui suit rapportent les rĂ©ponses de Me Mhedhbi lors de son intervention radiophonique contenant des dĂ©tails nouveaux que nous avons personnellement recueillis.
Selon Me Ezzeddine Mhedhbi, deux raisons l’ont poussĂ© Ă dĂ©missionner. La première est le choix de certains  membres siĂ©geant Ă la Commission. Citant comme exemple Abdelfatah Amor, prĂ©sident de ladite Commission, qui Ă©tait auparavant membre du jury national d’attribution du Prix du 7 novembre.
La deuxième raison concerne la stratĂ©gie de la Commission qui au lieu de mener des investigations, commence Ă parler de rĂ©conciliation nationale. Pour Me Mhedhbi, cela est aberrant, car on ne peut envisager de rĂ©conciliation sans qu’il y ait au prĂ©alable des investigations et des sanctions.
L’avocat rappelle que la Commission a confisquĂ© des dossiers qu’entreposait Ben Ali, dans son palais de Carthage. Ce dernier recensait tel un comptable tous les dossiers et papiers qui allaient de l’autorisation d’ouverture d’un salon de coiffeur jusqu’aux plus gros dossiers très sensibles. La commission a rĂ©cupĂ©rĂ© ces dossiers sans qu’on en sache le contenu, alors qu’elle devait les rendre publics, ajoute l’avocat.
Il y a des documents chez Me Abdelfatah Amor confisquĂ© dans le cadre de la Commission. Entre 2000 et 2500 personnes sont impliquĂ©es dans le pillage de la Tunisie. Ce qui peut ĂŞtre Ă©valuĂ©, selon les dits de l’avocat, entre 40 et 45 % de l’Économie tunisienne de ces 23 dernières annĂ©es. Sur les 223 dossiers que la Commission a effectivement traitĂ©s, il n’y en a que 4 qui sont rĂ©ellement sĂ©rieux, a-t-il prĂ©cisĂ©.
QuestionnĂ© sur sa relation avec Mohamed Naceur Trabelsi, frère de Leila Trabelsi Ben Ali, et sur l’existence d’un facsimilĂ© qui montrait que Me Mhedhbi le reprĂ©sentait juridiquement, l’avocat a expliquĂ© qu’il reprĂ©sentait un client sociĂ©tĂ© Suisse propriĂ©taire de plusieurs points de distributions en Tunisie: « Cette dernière en difficultĂ© a Ă©tĂ© cĂ©dĂ©e Ă 1/3. Voulant rĂ©cupĂ©rer la totalitĂ© de la sociĂ©tĂ©, le client suisse m’a demandĂ© de voir toutes les possibilitĂ©s. Dans ce dossier il y avait une fille mineure de la famille Trabelsi qui possĂ©dait des actions de ladite sociĂ©tĂ©. Cette fille en question est la fille Mohamed Naceur Trabelsi. L’action de cette fille, sans l’accord du juge de tutelle, donnait la possibilitĂ© d’annuler la cession (la vente de la sociĂ©tĂ©). Comme elle Ă©tait mineure, pour la reprĂ©senter, il fallait reprĂ©senter son père ».
Dans cette affaire, continue l’avocat, « j’ai assignĂ© en justice un homme d’affaires, d’autres sociĂ©tĂ©s suisses, des sociĂ©tĂ©s dans des Ă®les vierges britanniques, le procureur de la RĂ©publique, le gouverneur de la banque centrale, et le chef du contentieux de l’État… Le but de ces assignations Ă©tait de faire ressortir les liens entre les organes de l’État et les diverses familles ».
« L’audience a Ă©tĂ© fixĂ©e pour le 31 mai 2008, mais l’affaire a Ă©tĂ© saisie par Leila Ben Ali qui a nommĂ© un autre avocat sur le dossier de la mineure. Ce dernier a retirĂ© le dossier pour annuler l’audience », ajoute Me Mhedhbi.
« Quant Ă la feuille qui me montrait comme dĂ©fenseur de Mohamed Naceur Trabelsi, elle fait partie de tout un dossier sur l’affaire de la sociĂ©tĂ© suisse », nous explique l’avocat. « Il fallait lire les autres pages pour comprendre tout le dossier. C’est un acte malhonnĂŞte de la part de la Commission de ne montrer que ce facsimilĂ©. Depuis 1999, j’ai acceptĂ© plusieurs dossiers (en 2002, 2004, 2007 et 2010) contre les familles de Ben Ali, particulièrement les Trabelsi », a-t-il ajoutĂ©.
Toutefois, rappelons que la commission a accusĂ© Me Mhedhbi d’être complice d’une opĂ©ration de chantage sur des hommes d’affaires tunisiens.
Sur ce sujet, l’avocat nous donne sa version : « il s’agit d’un homme d’affaires, que je ne cite pas pour des raisons professionnelles, dont il a reçu un SMS lui disant de rĂ©gler une dette. Ce SMS a Ă©tĂ© publiĂ© et je dispose d’un SMS retour qui dit textuellement [Ezzedine m’a appelĂ©, mais je ne peux lui rĂ©pondre… de toute manière j’ai promis de rembourser l’argent de ces enfants et je le ferais avant fin juin]».
Me Ezzeddine Mhedhbi a aussi rĂ©pondu Ă la tenue de la confĂ©rence internationale sur la lutte contre la corruption organisĂ©e par (Cniacm), jeudi dernier Ă Hammamet. Sur ce sujet il a dit que :« « Transparency International » a refusĂ© de participer Ă cette confĂ©rence. De mĂŞme, des personnes influentes et importantes comme Eva Joly (prĂ©sidente de la commission du dĂ©veloppement du Parlement EuropĂ©en) ou encore le juge Renaud van Ruymbeke n’ont pas participĂ© Ă cette confĂ©rence, qui n’a rĂ©uni que des institutions officielles : Banque Mondiale, BAD et FMI ». Autrement dit, les institutions qui ont toujours considĂ©rĂ© Ben Ali comme un parfait Ă©lève. Le niveau du dĂ©bat Ă©tait mĂ©diocre et dĂ©note, selon certains participants d’une incompĂ©tence notoire, a ajoutĂ© l’avocat.
« Nous allons tout faire pour empĂŞcher la crĂ©ation d’une commission permanente d’investigation sur la corruption (NDLR. sur les mĂŞmes bases que celles qu’il a quittĂ©) qui pourrait perdurer sur les six prochaines annĂ©es », a terminĂ© Me Ezzeddine Mhedhbia.
Rappelons que l’affaire entre la Commission d’investigation sur la corruption et Me Ezzeddine Mhedhbi, est survenue, mi-aout, suite Ă une information sortie sur un mĂ©dia Ă©lectronique affirmant que Me Mhedhbi a Ă©tĂ© forcĂ© de dĂ©missionner de la Commission.
Quelques jours après Me Mhedhbi et la Commission d’investigation sur la corruption ont tenu chacun une confĂ©rence de presse. Le premier a prĂ©cisĂ© que sa dĂ©mission Ă©tait volontaire suite aux problèmes constatĂ©s au sein de la Commission : manque de transparence et partialitĂ© des travaux de la Commission ainsi que la complicitĂ© de certains de ses membres avec l’ancien rĂ©gime. Quant Ă cette dernière, elle a expliquĂ© que Me Mhedhbi a eu le choix entre la dĂ©mission et le limogeage pour relation avec l’un des frères de Leila Trabelsi et qu’il serait complice d’une opĂ©ration de chantage sur des hommes d’affaires tunisiens.
