Les propos de M. Moncef Marzouki sur lâattitude « colonialiste » de la France continuent Ă susciter des rĂ©actions dâindignation au sein de la classe politique française. Dans une lettre adressĂ©e au chef de lâĂtat provisoire, Bernard DebrĂ©, dĂ©putĂ© de lâUMP, a tenu Ă exprimer sa « surprise » quant au discours de M. Marzouki dans lequel il dĂ©plore le « colonialisme » de lâaction des Français.
Lâancien ministre de Jacques Chirac rĂ©cuse ce genre de raisonnement « comme si les maux qui traversaient la Tunisie Ă©taient dus Ă lâattitude des Français », ajoute-t-il. Il rappelle avec fermetĂ©, mais non sans courtoisie que la France a eu « le devoir » et « la joie » dâaccueillir Moncef Marzouki alors quâil Ă©tait persona non grata en Tunisie.
Tout en rejetant lâaccusation dâ « islamophobie » des Français par le PrĂ©sident Marzouki, le dĂ©putĂ© de lâUMP, visiblement excĂ©dĂ©, fait valoir la laĂŻcitĂ© de lâĂtat français qui a permis la multiplication des mosquĂ©es. Il ne cache pas sa dĂ©solation devant la « poussĂ©e de lâislamisme (qui) conduit les femmes Ă rentrer dans leur foyer⊠», tendance qui va Ă lâencontre du respect des libertĂ©s.
Dans sa conclusion, Bernard DebrĂ© rappelle, sur un ton lĂ©gĂšrement condescendant, quâil est indispensable au PrĂ©sident de « surveiller » ses propos, et se permet par lĂ mĂȘme dâĂ©mettre le vĆu que la Tunisie qui « sâest libĂ©rĂ©e du carcan du totalitarisme » ne tombe de nouveau dans « lâobscuritĂ© et lâobscurantisme ». Cela ressemble fort Ă lâimmixtion dans les affaires des autres.
DerriĂšre la maniĂšre qui se veut policĂ©e, Bernard DebrĂ© laisse transparaĂźtre comme qui dirait une susceptibilitĂ© sur des questions on ne peut plus sensibles et sur lesquelles les politiques de droite nâont pas toujours fait montre dâexemplaritĂ©. On se souvient des propos sur lâodeur dans les HLM de Jacques Chirac au milieu des annĂ©es 80, propos empreints de racisme. Il nâest que de rappeler les expressions blessantes du candidat Sarkozy en 2007 lorsquâil osa parler de « racailles » concernant certains habitants des banlieues, ou encore du « karcher », mot quâil prononça Ă lâendroit de certains quartiers quâil entendait nettoyer. Lâon nâest pas prĂȘt dâoublier non plus les attitudes xĂ©nophobes du ministre de lâIntĂ©rieur, Claude GuĂ©ant, qui stigmatise les musulmans de France Ă propos de lâaffaire de la burqa lâannĂ©e derniĂšre, ce qui lui a valu dâailleurs une vive critique de la part des socialistes et autres partis de gauche. La dĂ©mission de Rama Yade de lâUMP pour des raisons de discrimination achĂšve un tableau qui nâa rien de reluisant concernant prĂ©cisĂ©ment la question des immigrĂ©s⊠Est-il besoin de rappeler que toutes les lois qui ont Ă©tĂ© Ă©tablies ces derniers temps dans le cadre de la laĂŻcitĂ© visent Ă©videmment les musulmans de France.
Bernard DebrĂ©, sâil a choisi de rĂ©pliquer au PrĂ©sident Marzouki, câest sans aucun doute parce que la question du colonialisme et celle de lâislamophobie constituent des vĂ©ritĂ©s qui dĂ©rangent. Seule la vĂ©ritĂ© blesse. Il nâen demeure pas moins que le nouveau PrĂ©sident, issu de la troĂŻka, a pĂ©chĂ© par manque de diplomatie. Un PrĂ©sident, cela ne sâimprovise pas. Et Ă trop vouloir ĂȘtre prĂšs du peuple, lâon sâexpose Ă la tentation du populisme.