Ce qui s’est passé, ces derniers jours dans la délégation d’El Hancha du gouvernorat de Sfax (d’une superficie de 50.000 hectares et 60.000 habitants), n’a rien d’un conflit tribal ou entre partis politiques se disputant un positionnement sur la scène politique locale. Il s’agit plutôt d’une réaction collective à une situation préoccupante et dangereuse. Entre le souci de recouvrer une dignité perdue par le fait du comportement de certains opportunistes, pour la plupart des ex-RCD, et la peur d’une dictature qui s’enracine de plus en plus dans le vécu quotidien, les jeunes et moins jeunes ainsi que la société civile dans ses principales composantes ont répondu massivement à l’appel pour une grève générale afin de protester contre les tentations politiciennes des représentants d’Ennahdha dans la région et réclamer d’autre part leurs droits au bien-être et au plein emploi.
Ennahdha à la conquête d’un porte-feuille électoral
Selon des habitants de la délégation, la goutte qui a fait déborder le vase a été la tentative de mainmise du mouvement Ennahdha sur une association de développement qui intervient dans le domaine du microcrédit par l’octroi d’aides financières aux personnes nécessiteuses en vue de les aider à monter des petits projets et à se prendre en charge. Les fonds dont elle dispose, pour assurer cette mission proviennent essentiellement de dotations et de lignes de crédits rétrocédées par la Banque Tunisienne de Solidarité.
En cherchant à s’emparer de cette association, le but du mouvement est de recruter des électeurs et des sympathisants parmi les bénéficiaires de ces crédits. À cette fin et avec l’aval du délégué et du gouverneur de Sfax, il a été décidé de nommer dans le bureau directeur de l’association des représentants du mouvement Nahdha au lieu de procéder à leur élection. Suite à la contestation de plusieurs habitants et membres de la société civile, les autorités ont accepté le principe du vote, mais elles ont limité la remise des cartes d’adhésion aux partisans du mouvement pour favoriser leurs représentants.
Ces derniers n’hésitent pas à provoquer les habitants en organisant durant ces événements des manifestations de soutien à leur mouvement à travers les artères de la délégation.
À côté de cet incident et du manquement aux promesses électorales, Mohamed El Azouzi, membre de la structure de coordination civile, a expliqué que les projets arrêtés du temps de l’ancien gouvernement n’ont pas vu le jour malgré l’allocation des fonds nécessaires et l’engagement des autorités à les réaliser dans les meilleurs délais. Parmi ces projets, il a cité l’implantation d’un bureau d’emploi pour faciliter l’embauche des chômeurs, la création d’une représentation de la CNAM et de la STEG pour mieux servir les usagers dans la région, la construction d’un hôpital et la réhabilitation de la zone industrielle.
La tension mérite attention
La protestation de la population a été sévèrement réprimée par les forces de sécurité qui ont procédé à des descentes nocturnes et à arrêter plusieurs personnes sur simple suspicion.
Les déclarations du délégué et du gouverneur n’ont fait qu’accentuer la tension dans la région. Pour le premier, les personnes arrêtées, suite aux événements de protestation, sont des adolescents écervelés et pour le second il s’agit de délinquants qui méritent d’être corrigés. Les habitants de la délégation ne sont pas restés les bras croisés. Ils ont manifesté devant le siège du gouvernorat pour obtenir leur libération et ont pu avoir gain de cause avec la mise en liberté de 15 parmi eux qui ont été accueillis en héros. L’action des habitants se poursuit pour parvenir à la libération des 5 autres jeunes accusés d’avoir incendié des édifices et suspectés de détention et d’utilisation de cocktail Molotov.
Belgacem Khammary, correspondant à Sfax