D’abord un constat d’ordre général ; après des années, d’une chambre monocolore puis d’une chambre légèrement coloriée, nous allons certainement devoir patienter un bon bout de temps avant d’achever, ou à tout le moins, progresser dans notre apprentissage du débat démocratique.
Lieu par excellence où devrait battre le cœur démocratique du pays, L’ANC connait à l’évidence de sérieuses défaillances dans son mode de fonctionnement. La faute à qui ? Au contexte général du pays ? Aux textes qui encadrent ses compétences et ses mécanismes de fonctionnement ? Au manque de culture ou de pratique démocratique ? À la personnalité de ceux qui sont en charge de l’administrer et gérer ses débats ? Objectivement, il y’a un peu de tout cela et il est difficile de faire ressortir un responsable ou un facteur unique.
Revenons maintenant à la séance plénière du 19 septembre consacrée aux malheureux événements du 14 septembre et qui constitue à elle seule l’exemple type du débat qui fait… pschiiit.
D’emblée, remarquons que cette séance plénière convoquée à la demande de l’opposition était condmnée d’avance à se transformer en un quasi « flop ». En effet, étalée sur deux jours, encombrée par une masse indigeste d’interventions allant du soporifique au folklorique, n’enregistrant qu’en de rares moments des interventions pertinentes, le débat a fini par lasser, permettant par la même occasion à la pilule de passer… sans difficulté aucune dois-je préciser.
Si l’on juge par son impact et le sentiment général qu’elle a laissé chez l’opinion publique, cette non-séance n’aura eu , au total , comme utilité que de permettre : à l’opposition de vider son sac (à force de grand coup de gueule), à l’exécutif d’éteindre un foyer de feu qui menaçait de se propager et au ministre pointé de l’index (même au sein de son parti) d’obtenir un soutien particulièrement « mollasson » du groupe majoritaire (les propos dytirambique de Sahbi Atig n’entachant en rien ce constat…….. bien ressenti par tous).
En effet, a-t-on pu enregistré pour l’occasion un progrès significatif dans la détermination des responsabilités et de la nature des manquements ayant engendré l’envahissement d’une ambassade et surtout la perte de vies humaines ? Malheureusement, rien de cela n’a pu être constaté et encore une fois tout porte à croire qu’une fois l’émotion retombée… « Halima » reviendra « pépère » à ses anciennes habitudes (Rendez-vous est pris pour le prochain rassemblement populaire..on aura tout le loisir de savoir si notre police républicaine mérite ce qualificatif ou pas).
Comme l’a si bien relevé Nadiaa Chaabane élue du pole démocratique, il existait bel et bien une ambigüité quant au cadre de la séance en question, la présence massive de certains membres du gouvernement pouvait en effet laisser croire que l’ordre du jour appelait aux questions au gouvernement alors qu’il s’agissait de questions à un seul ministre … sur des faits précis et circonstanciés.
Tout cela faisait désordre et eut comme conséquence d’entacher la qualité du débat. A cette ambigüité allait s’ajouter un élément se rapportant à la gestion du débat .En effet , quelqu’un aurait t-il l’amabilité de nous expliquer dans quel but des groupes parlementaires distincts se constituent au sein de l’assemblée ? …si ce n’est , bien évidemment, pour organiser les temps de parole et empêcher par conséquent que le débat ne se transforme en un interminable bla bla bla général.
Dans les assemblées qui se respectent, et s’agissant d’un fait aussi grave, les groupes parlementaires, par le biais de leur président ou de tout autre orateur, se succèdent selon un temps de parole déterminé ( en fonction de leur représentativité ) pour livrer leur opinion et interpeller le ministre concerné (ou des fois le premier d’entre eux)). Du côté de l’hémicycle du palais de Bardo , c’est incontestablement « la foire » de la parlotte . Chaque élu veut y aller de son « historique intervention », l’un croyant être obligé de le faire, un autre craignant que ses proches ne le voient pas sur l’écran pour admirer ses talents de grand tribun , un dernier désirant flamber en direct ( je les imagine une fois leur intervention finie filer dans les couloirs , décrocher leur téléphone pour faire le tour de la famille et des amis « alors t’as regardé à la téloche, je l’ai bien écrabouillé le ministre » ou encore « t’as vu comment j’ai cloué le bec au député de l’opposition »). Bref, les députes se succèdent, le temps s’égrène péniblement dans l’indifférence générale , sauf par moment où l’ambiance remonte d’un coup du fait d’un maitre artificier genre Iyad Dahmani, Samir Ettayeb, Khemais Ksilla ou de l’inimitable Brahim Kassas qui ,souvent, viennent à réveiller une assistance « roupillante » voir carrément emportée dans les bras de Morphée .
En résumé, la gravité des événements s’est diluée dans des questions de procédures ( à l’instar du point d’ordre de la députée Karima Sioud , presque aussi surréaliste que celui de Sahbi Atig rendant compte du carnet rose de l’assemblée sic !) ou d’interventions lyriques jouant particulièrement des sentiments et autres symboles. Sans exagération aucune, ce débat a été une énième occasion perdue pour le pays de remettre les pendules à l’heure.
Enfin , pour ne par conclure sur une note négative, reconnaissons que la gestion des débats a connu une nette amélioration, notamment grâce au calme et au doigté de la vice-présidente . Indubitablement, l’honorable Madame Mehrizia Laabidi de par son choix d’adopter des postures moins « clivantes » et surtout en évitant la tentation de la réplique systématique a pu remplir convenablement son rôle de présidente de séance( le président Ben Jaafar gagnerait beaucoup à en faire de même) .
Aussi, pourrions-nous suggérer pour le futur que le débat consacré à pareils faits soit mieux encadré. Dans cet ordre d’idée, il nous semble que cette séance d’audition-questionnement du ministre de l’Intérieur aurait pu avoir pour cadre une commission spéciale ( comme celle établie pour faire la lumière sur les violences policières du 9 avril 2012) …mais toutefois… une commission qui ne soit pas fantomatique à l’instar de sa devancière , dont les audiences doivent être rendues publiques et surtout limitée par un deadline au-delà duquel obligation lui est de livrer ses conclusions finales ..