Le ministre intérimaire des Finances vient de rendre public le projet de budget pour l’exercice 2013. Avec une enveloppe de 26 milliards 401 millions de dinars et une prévision de croissance de 3,5%, on peut avancer que c’est là un projet raisonnable compte tenu des contraintes dans lesquelles les prévisions ont été faites. Le pays traverse une zone de turbulences, comme jamais il n’en a connu, qui touche cette fois aux tréfonds des structures. Aussi on ne peut s’attendre rationnellement à un changement en un clin d’œil.
C’est que les investissements marquent encore le pas et les prévisions en provenance de l’extérieur ne semblent pas indiquer que la zone euro, notre principal partenaire, va connaitre un retour à la normale, engluée qu’elle est avec plusieurs membres en récession. Aussi aurons-nous à faire preuve d’imagination pour contourner cette contrainte majeure qui gage, entre autres, nos exports, les IDE et même notre tourisme. Quelque soit la gouvernance qui gèrera 2013, aucune hypothèse raisonnable ne voit ce prochain exercice budgétaire en rose.
Une croissance modeste, mais conséquente
Aussi en proposant une augmentation de 3,1% sur le budget de l’État, Besbès n’aura pas voulu parier avec le diable ou ce que d’autres économistes qualifient de fantasmes, lorsqu’après la révolution des experts de tous bords avaient cru à une croissance économique de 7%, voire plus. A cette époque, nous rêvions tous de slogans de type « invest in democratie » à Davos et partout ailleurs comme à Deauville où le G8 s’était réuni en mai 2011, pour, entre autres, nous promettre ce dont nous aurions besoin pour financer une croissance conséquente à la révolution du jasmin…Mais la vérité est là, et à l’ouest, comme à l’est d’ailleurs, rien de neuf !
Avec une croissance de 3% pour 2012 (2,7% vision FMI) c’est déjà pas mal de réussir à boucler un budget qui en prévoit même 3,1%. Pourquoi? Parce que personne n’a cru un instant que la Tunisie allait passer par la bourrasque politique, sociale et économique qui est désormais la nôtre et qui, apparemment, n’est pas prête à s’estomper. Bien au contraire, les prémisses d’une aggravation ne sont pas négligeables.
Pour autant une croissance économique de 3,5% (à ne pas confondre avec celle du budget qui est de 3,1%) quand bien même raisonnable, reste très modeste en comparaison des attentes des Tunisiens. Particulièrement des chômeurs dont le nombre s’est accru pour attiendre quelques 800.000 personnes où, les nouveaux comme les anciens diplômés auxquels s’additionnent les « laissés pour compte » et ceux des zones sinistrées à l’intérieur du pays font entendre leur grogne.
Une grogne qui se fait de plus en plus assourdissante pour leur avoir faussement promis l’impossible. Car, sachez clairement dès maintenant, qu’avec une croissance de 3,5% n’espérez pas plus de 80.000 emplois à tout casser. Donc on ne sera pas sorti de l’auberge à fin 2013. Et même que ce taux de croissance, aussi modeste soit-il, sera une gageure.
Des contraintes incontournables
En effet, pour y parvenir beaucoup de sacrifices doivent être consentis. Pour Besbes il s’agit d’abord de contenir le déficit budgétaire à 5,9% contre 6,6% en 2012. Et partant, il lui faudra collecter un montant de 19 milliards 525 millions de dinars en tant que ressources internes. C’est à dire à travers la fiscalité et l’endettement interne. Mais le ministre ne nous dit pas dans quelle proportion entre ces deux sources de financement, sachant que dans l’état actuel des choses on ne peut raisonnablement s’attendre à grand-chose au plan fiscal en raison du manque de performance des secteurs et des entreprises y travaillant, surtout celles orientées vers l’export. Pour le reste, l’épargne, si elle continue à être mal rémunérée avec des taux qui ne couvrent pas l’inflation, il y a fort à croire que l’État ira les chercher chez Monsieur Ayari. Acceptera-t’il ?
Ceci dit, le recours à l’endettement extérieur restera incontournable et encore plus important. 6817 Millions de dinars seront encore nécessaires pour boucler ce budget 2013. Et dans le même temps, il faudra à Ayari, de se débrouiller pour régler, rubis sur l’ongle, un service de la dette extérieure de quelques 4220 millions dinars. Soit un peu plus de celui de cette année 2012 (4139MD) déjà élevée, mais encore plus « costaud » que celui de 2011 qui « n’était que » de 3600 millions de dinars.
Hausse des salaires par-ci, baisse de la compensation par-là?
Il faudra aussi noter que la masse salariale devra atteindre près de 9802MD, soit une augmentation de 12% par rapport au budget de l’année en cours. Ceci est notamment dû à l’augmentation des salaires, outre l’impact des recrutements programmés dans la fonction publique au titre de l’année 2012 et qui se chiffre à 19 mille postes. Une perspective qui ne cadre pas tout à fait avec les objectifs de performances. Car la fonction publique est déjà pléthorique de « fonctionnaires » qui passent le plus clair de leur temps (que nous payons) à siroter leurs cafés à Bab Bnet, par exemple.
En revanche, les dépenses de subvention connaitront une baisse pour atteindre 3900 MD contre 4226 MD pour l’année 2012. Sachant qu’en 2010, la subvention avait atteint 1500 MD et 2400 MD en 2011.Ce qui voudra dire que beaucoup de produits, jusqu’à présent compensés, seront dorénavant déterminés par la loi de l’offre et de la demande. En d’autres termes, l’année 2013 sera une année difficile en termes de hausse des prix, en espérant que l’inflation, déjà significative, ne mette à plat les augmentations salariales prévues.