Plusieurs directeurs d’institutions culturelles sises dans la médina de Tunis vivent aujourd’hui sous la menace d’un assaut intégriste.
Invités à la vigilance par leur tutelle, ces animateurs d’espaces culturels ne bénéficient toutefois d’aucune protection particulière malgré les récents événements ayant secoué la médina de Tunis.
L’affaire est d’une extrême gravité mais ne semble pas alerter les autorités ni retenir l’attention du public.
En effet, l’assaut de la semaine écoulée qui a permis à un groupe aux ordres de l’imam de la Zitouna d’occuper les locaux de la Khaldounia en délogeant les occupants légitimes pourrait n’avoir qu’une valeur de test (voir notre article : Enseignement zeitounien : la razzia de Houcine Laabidi).
Car, si les réactions sont molles, rien ne retiendrait les tenants actuels de la Zitouna d’être tentés de récupérer ce qu’ils considèrent comme étant leur bien usurpé.
Cette « razzia » qui a touché la Khaldounia (lieu symbolique car la première association tunisienne y a vu le jour en 1896) et englobé la medersa Hamzia, également « récupérée » la semaine dernière pourrait bientôt toucher d’autres espaces.
Ainsi, plusieurs medersas situées à proximité de la Zitouna sont dans le viseur des assaillants potentiels qui espèrent occuper à court terme des lieux comme la medersa Slimania, la medersa Achouria ou la medersa Bachia et celle de Bir Lahjar.
Selon nos sources, la medersa Mouradia a déjà été récupérée discrètement. Cette institution qui abritait un centre de formation est en effet portes closes depuis quelques semaines.
Selon les mêmes sources, toutes les institutions qui abritent aujourd’hui des espaces culturels et éducatifs pourraient être occupées, s’il le faut par la force, avant la fête du Mouled.
La question est complexe car, raisonnant en termes d’antériorité, les promoteurs de cette vague d’occupation pensent entrer en possession de biens spoliés et ne se considèrent nullement comme des usurpateurs.
Ils bénéficient même d’un soutien discret des islamistes au pouvoir qui considèrent qu’il est du droit de la mosquée-université Zitouna de récupérer les biens qui lui ont été ôtés au profit de la culture et de l’éducation publique du temps de Bourguiba.
En fait, l’affaire ne fait que commencer. Elle concerne plus largement le règlement de comptes entre islamistes et destouriens. Datant de l’indépendance, le contentieux de la Zitouna entre désormais dans une phase révisionniste qui prétend annuler tout ce qui a été fait dans ce domaine par l’Etat bourguibien.
La mollesse de la réaction des autorités, le quasi-silence gouvernemental résonnent ainsi comme une invitation à continuer et à multiplier les faits accomplis.
La vigilance est de mise car, même si le renouveau de la Zitouna peut constituer une fierté, il ne devrait pas s’effectuer sous le signe de la violence, des occupations brutales, du déni et, il faut le dire, de l’usurpation au nom du révisionnisme ambiant.
Car la loi du talion n’a jamais accouché d’un Etat de droit…