Dans son discours d’aujourd’hui au palais de Carthage, à l’occasion du 57ème anniversaire de l’Indépendance de la Tunisie, le président Moncef Marzouki a abordé le sujet des ligues de Protection de la Révolution. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le président a pris pas mal de monde à contre-pied.
En effet, Marzouki a pointé du doigt la violence, qui ne cesse d’augmenter, affirmant que la révolution a une armée et des institutions pour la protéger et, en ce sens, il n’y a nul besoin d’organismes pour le faire. Surtout lorsque ces organismes peuvent se transformer en des milices partisanes.
Le président s’est adressé alors aux membres des LPR, leur demandant purement et simplement de transformer leurs organisations en des associations civiles s’engageant à agir et œuvrer dans la construction culturelle et politique. L’Etat sera ensuite le garant du contrôle des activités de ces associations et pourra éventuellement les dissoudre si leur caractère violent est prouvé.
En gros donc, Marzouki appelle implicitement à la dissolution des LPR. Un revirement de situation notable mais intriguant. Petit rappel des faits. Le 12 janvier dernier, soit il y a à peine trois mois, Moncef Marzouki recevait au Palais de Carthage une délégation des ligues de protection de Révolution.Ces dernières étaient déjà très critiquées, à l’époque, pour leur violence, notamment lors des meetings organisés par certains partis de l’opposition. A Tataouine, en octobre dernier, leur barbarie avait déjà coûté la vie à Lotfi Nakdh.
Cette visite des LPR à Carthage a fait réagir, voire scandalisé divers hommes politiques ainsi que la société civile. Issam Chebbi avait qualifié cette rencontre, qui s’inscrivait dans le cadre du dialogue national que souhaitait instaurer Marzouki, de grande erreur.
Outre Ennahdha, le CPR (le parti de Marzouki) a longtemps et même aveuglement défendu ces LPR. Son désormais ex-secrétaire général, Mohamed Abbou, jouait à merveille le rôle du parfait avocat du diable. Le 11 mars dernier, Imed Daïmi, directeur du cabinet présidentiel, s’est même prononcé contre une loi appelant à la dissolution de ces Ligues.
Pourquoi ce changement de position de la part de la Présidence ? Moncef Marzouki vient-il de réaliser que ces LPR représentent un danger pour le processus démocratique du pays ? Si oui, pourquoi aussi tardivement ?
Pourquoi Moncef Marzouki attend-il les grands rassemblements pour prendre telle ou telle position ? Faut-il rappeler que ce n’est qu’au cours du congrès du CPR, en août dernier, que le président s’est «enfin» permis de critiquer son allié Ennahdha…
Rappelons qu’il y a deux semaines, la présidence du gouvernement a chargé le contentieux de l’Etat de poursuivre en justice ces mêmes ligues de protection de la Révolution pour leur violence et a réclamé leur dissolution.