C’est la République qu’on essaie d’assassiner aujourd’hui, le jour de la célébration de son avènement. Mais, il se peut aussi que ce soit le début de sa résurrection avec les appels unanimes lancés par tous les démocrates de ce pays, mis à part la Troïka au pouvoir, de la fin du gouvernement, de l’Assemblée Nationale Constituante et de la « légitimité électorale » issue du 23 octobre 2011.
Revenons d’abord à la symbolique de l’assassinat de Feu Mohamed Brahmi le jour de la fête de la République. Ceux qui l’ont commandité et qui l’ont exécuté ne sont ni patriotes, ni républicains. Dans tous les cas, ils ne croient guère à cet idéal démocratique représenté par la République.
Ceux qui ont fomenté ce nouveau crime odieux et abject ne doivent pas être recherchés plus loin que parmi ceux qui ont encouragé le terrorisme et l’ont cautionné, moralement et politiquement, et clairement ou à demi-mot !
Aujourd’hui, ce meurtre a rallié toutes les forces politiques démocratiques ainsi que toute la société civile et tous les Tunisiens autour d’un seul mot d’ordre, celui de la fin de la légitimité de toutes les institutions issues du 23 octobre. Car, Mohamed Brahmi, il ne faut pas l’oublier, est aussi un membre de l’ANC.
Après cet assassinat, les forces démocratiques ont pris conscience de l’extrême gravité de la situation et de la paralysie qui frappe l’Etat et ses institutions, et ont donc appelé à l’unisson à la dissolution de l’ANC et à la démission du gouvernement. Six mois auparavant, seul Béji Cais Essebsi avait appelé à cette solution. Aujourd’hui, c’est l’unanimité qui domine !
Le premier à réagir est Hamma Hammami, le porte-parole du Front Populaire, dans lequel Mohamed Brahmi est membre, a appelé à la chute du régime et à ce que toutes les forces démocratiques y compris le Front Populaire à assumer leurs responsabilités.
M. Béji Cais Essebsi a confirmé que cet assassinat était attendu, parce qu’il a été encouragé dans la mesure où les partis de la Troika semblent avaliser implicitement les comportements agressifs et la violence politique. Les gouvernants actuels ne respectent pas la loi et tout donc devient possible pour la suite. Maintenant, tous les partis démocratiques doivent s’unir et trouver la parade à cette situation.
Le chef d’El Joumhouri, Ahmed Néjib Chebbi,tout comme Touhami Abdouli, s’est lui aussi rallié à cette position estimant que « l’on est revenu à l’avant 23 octobre. Le gouvernement et l’ANC sont finis. Un gouvernement d’Union nationale ou de salut public, un comité d’experts pour préparer une constitution qui sera soumise au référendum, doivent être mis en place dans les plus brefs délais. »
Du côté de la Troïka, on crie, bien sûr, au complot. Le chef nahdhaoui, Rached Ghannouchi, considère que ce complot vise à faire échouer le processus de transition démocratique. Quant à Sahbi Atig, il a condamné le meurtre, considérant qu’il s’agit d’un plan hostile au pays, alors que le consensus évolue, avec la mise en place de l’ISIE, et cela au moment où nous étions réunis à l’ANC, une fête nationale. »
Une déclaration étonnante de la part du président de la coalition des élus d’Ennahdha à l’ANC alors que c’est lui-même qui a appelé à verser le sang des Tunisiens hostiles à la légitimité. Quant au consensus qu’il évoque, l’ISIE ne possède aucune crédibilité en raison des pratiques qui ont présidé à son élection et qu’elle est loin d’être indépendante, que les ligues protection de la révolution continuent de sévir, et que le consensus sur la constitution est loin d’être acquis.
Le crapuleux assassinat de Mohamed Brahmi, le troisième martyr politique sous le gouvernement de la Troïka après Lotfi Naqdh et Chokri Belaid, est venu peut-être sonner le tocsin des gens au pouvoir. Cela dépendra en réalité de leur attitude, et surtout des islamistes d’Ennahdha, dans le viseur, sous le coup de la douleur, de tous les citoyens. Si l’esprit de compromis l’emporte, on pourrait aller vers un changement de cap du processus de transition de notre pays de manière pacifique. Soit un gouvernement de salut public, soit l’inévitable affrontement…