Tunis Hebdo | Environ la moitié du PIB national provient du secteur informel, et plus de 30% des personnes actives évoluent dans ce secteur. Ce sont les chiffres que nous rappellent, à chaque fois, les responsables politiques et les experts économiques. Des chiffres inquiétants, et révélateurs, qui mettent – depuis un certain temps déjà – l’Etat face à un véritable casse-tête…
En octobre dernier, le ministre des Finances, Slim Chaker, avait annoncé que le gouvernement «a élaboré un train de mesures énergiques pour réduire l’économie parallèle». Parmi ces mesures, le ministre a parlé de modernisation des services de douane et de baisse des taxes (à 0% sur tous les produits de base et à 20% pour le reste des produits).
L’objectif de ces mesures étant de ramener l’économie parallèle à un taux de 20%, au lieu des 50% actuellement, et de faire hisser l’économie régulière et structurée à un taux de 80% d’ici 2020.
Le challenge semble bien difficile à réaliser au premier abord, vu l’étroitesse du temps alloué et l’ampleur de ce fléau qui ne cesse de grandir. Faut-il rappeler que ce fléau touche tous les secteurs et tous les produits (alimentaires, pharmaceutiques, énergétiques, sanitaires, devises, etc.), sans oublier, bien sûr, les deux autres produits-phares de l’économie informelle, à savoir le tabac et le pétrole.
De quoi attiser la colère du patronat. D’ailleurs, à titre de rappel, les commerçants du centre-ville de Tunis avaient suspendu, il y a quelques jours, leurs activités pour dénoncer les commerces parallèles qui envahissent la capitale. Une réaction ô combien légitime !
Mieux encore. Dans son intervention dans le plateau de l’émission «Liman Yajroo Fakat» sur Al Hiwar Ettounsi, le 29 mai dernier, le juge au sein du Tribunal administratif, Ahmed Souab, avait affirmé que «l’économie informelle réalise un chiffre d’affaires impressionnant de 50.000 milliards ; sans qu’aucune déclaration d’impôt ou de CNSS ne soit enregistrée» !
Dans ce même cadre, le Centre de Recherches et d’Etudes Sociales (CRES) et la Banque Africaine de Développement (BAD) ont publié, récemment, une étude qui avance que «l’emploi informel au sein de l’économie représente 32.2% de la population active en 2015 (soit près d’un million d’actifs dans le secteur informel)».
Sinon, pas besoin d’être un expert pour constater le fait suivant : l’économie informelle est alimentée par la contrebande. L’Etat tente en ce sens de venir à bout de ce fléau, mais est-ce suffisant ?
A ce propos, lors d’un atelier de travail organisé le 23 mai dernier, portant sur la lutte contre la contrebande, le ministre des Finances, Slim Chaker, a annoncé qu’un budget de 500 millions de dinars a été consacré par le gouvernement pour combattre ce fléau. «En 2015 seulement, les produits saisis par la douane tunisienne ont rapporté 128 millions de dinars aux caisses de l’Etat», a poursuivi le même ministre.
Pour ce qui est des solutions à court terme, Mohsen Hassen, ministre du Commerce, a annoncé en mars dernier qu’il allait réserver quatre espaces dans le Grand-Tunis pour inciter les ambulants à y travailler d’une façon organisée et structurée, afin qu’ils puissent intégrer progressivement l’économie formelle.
Tous ces efforts sont – bien évidemment – louables et doivent être poursuivis. Mais il faut, en même temps, viser le long terme. Car si on veut vraiment combattre la contrebande et l’économie informelle et les éradiquer, il faut penser à combattre la pauvreté, la marginalisation, le chômage et les déséquilibres régionaux prononcés, qui restent les causes profondes de la contrebande et de l’économie informelle.
De ce fait, l’investissement dans les régions défavorisées, notamment les zones frontalières, ne peuvent que limiter les dégâts engendrées par ces fléaux.
Slim MESTIRI
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