L’association tunisienne des contrôleurs publics (ATCP) a présenté sa nouvelle étude portant sur le secteur de l’énergie en Tunisie et les dessous des contrats signés, depuis des décennies dans les différentes régions du pays.
Il s’agit, selon Charfeddine Yaakoubi, président de l’association de la première étude analytique approfondie de ce genre en Tunisie et dans le monde. Il a indiqué, lors d’une conférence de presse tenue ce mercredi, que le rapport vise à instaurer une approche scientifique et subjective dans le traitement de ce dossier en Tunisie.
« C’est un secteur qui passe certainement par une crise, avec la diminution du nombre de permis de recherches et d’extraction de pétrole et la baisse de la production.
La crise est palpable sur trois niveaux : une crise de confiance sentie chez le citoyen, une crise d’investissement et une crise de gouvernance », a-t-il indiqué, ajoutant que cette étude a été basée sur des documents officiels.
Ces derniers portent sur les chiffres relatifs à la production et aux contrats, les « zones libres », les permis, les privilèges, la taxation pétrolière et enfin des recommandations que nous avons mises en place pour mieux comprendre ce secteur qui nécessite beaucoup plus de transparence.
Yaakoubi a évoqué l’absence d’éclaircissements et le manque de transparence rendant le travail des contrôleurs plus difficile. Selon ses dires, aujourd’hui, on ne connait pas les chiffres exacts des réserves pétrolières en Tunisie, des personnes derrière les sociétés pétrolières, ici on parle même d’un secteur de blanchiment d’argent. On ne sait pas combien ce secteur emploie de personnes ou encore les dépenses et les investissements qu’il absorbe, d’où le premier pas vers cette étude.
L’ATCP a donc cherché à s’assurer du respect (ou non) des lois et des réglementations organisant le secteur de l’énergie, de fixer les dangers et les lacunes qui peuvent découler du non-respect des lois et des contrats, de simplifier ces contrats pour le citoyen lambda et de présenter, enfin, un ensemble de recommandations pratiques qui pourraient contribuer à l’amélioration de ce secteur.
Dans ce sens, l’association a dénoncé l’absence de critères d’accord de permis, notamment en l’absence de publication des procès-verbaux du comité consultatif des hydrocarbures. Elle a également critiqué l’absence de publications détaillées des entrées provenant des secteurs du pétrole et du gaz naturel, et de documents permettant de vérifier si les investisseurs ou l’Entreprise Tunisienne des Activités Pétrolières (ETAP) respectent leurs engagements.
Parmi les permis de recherches et d’extractions toujours en vigueur, il en existe trois qui présentent de grands dépassements nécessitant l’ouverture d’une enquête : Les champs de Makthar, Borj El Khadhra Sud et Zarat.
« Pour le cas de Makthar, il y a eu un renouvellement du permis pour une troisième fois, alors que la loi n’autorise le renouvellement qu’à deux reprises, sauf en cas de découverte de pétrole. Sauf qu’il n’y a jamais eu de découverte, et le permis a quand même été renouvelé », explique le président de l’ATCP.
En vue d’améliorer le climat d’investissement de ce secteur, et éviter la corruption et les dépassements, l’association a recommandé de :
Mettre en place une stratégie complète couvrant toutes les sources traditionnelles et renouvelables d’énergie, avant la préparation d’un cadre légal se basant sur les notions de la gouvernance et de la transparence.
Élaborer une vérification de la gestion dans le secteur des hydrocarbures, publier ses résultats, et booster le contrôle parlementaire
Développer le rôle de la direction générale des hydrocarbures et le comité consultatif des hydrocarbures
Clarifier le rôle de l’ETAP et la restructurer
Publier toutes les entrées provenant des sociétés pétrolières, en détails, et mettre en place plus de contrôle
Obliger les entités concernées à publier les contrats actualisés et compléter les documents manquants, notamment les PV du comité consultatif des hydrocarbures
Dévoiler les noms des propriétaires des sociétés pétrolières et limiter ainsi les conflits d’intérêt
Effectuer les déclarations EITI
Mettre en place les principes de contrats ouverts dans le secteur des hydrocarbures, afin d’assurer la transparence
Renforcer le rôle de la société civile