L’annonce de la signature d’un protocole d’accord entre le groupe marocain Akdital et Taoufik Hospitals Group (THG) ne constitue pas un simple fait de marché. Elle révèle une mutation profonde du secteur de la santé privée en Tunisie, désormais au cœur des stratégies régionales d’investissement dans les services à forte valeur ajoutée.
Avec cette opération, Akdital, leader de l’hospitalisation privée au Maroc, entend acquérir la totalité du capital de Taoufik Hospitals Group, l’un des acteurs les plus structurés du paysage hospitalier privé tunisien. Le montant évoqué, autour de 90 millions de dollars, donne la mesure de l’enjeu. Il s’agit de la première implantation d’Akdital hors du Maroc et d’un signal clair envoyé aux marchés : la Tunisie reste attractive malgré un contexte économique et financier tendu.
Un groupe structuré, une cible stratégique
Taoufik Hospitals Group s’est imposé au fil des années comme un opérateur de référence, avec plusieurs cliniques multidisciplinaires, une capacité litière importante et une présence affirmée dans des spécialités lourdes telles que la cardiologie, l’oncologie, la réanimation ou la traumatologie. Cette structuration explique l’intérêt d’Akdital, dont le modèle repose sur des plateaux techniques performants, une standardisation des process médicaux et une forte capacité d’investissement.
Pour le groupe marocain, la Tunisie offre un double avantage : un capital humain médical reconnu et un positionnement géographique stratégique entre Afrique et Europe. Le rachat de THG permet à Akdital de gagner du temps en s’appuyant sur un acteur déjà opérationnel, plutôt que de créer ex nihilo de nouvelles infrastructures.
Cette opération s’inscrit dans un mouvement plus large de recomposition du secteur de la santé privée en Tunisie. Confrontées à l’augmentation des coûts, aux exigences technologiques et à la concurrence régionale, les cliniques indépendantes peinent à suivre. L’entrée de groupes étrangers, disposant de capacités financières importantes, pourrait accélérer une logique de concentration.
Pour les patients, cela peut se traduire par une montée en gamme des services, une amélioration des équipements et une meilleure organisation des soins. Pour les professionnels de santé, la question des conditions de travail, de l’autonomie médicale et de la gouvernance hospitalière reste centrale.
Entre opportunité économique et vigilance réglementaire
Sur le plan macroéconomique, l’opération Akdital–Taoufik est perçue comme un signal positif en matière d’investissements directs étrangers, dans un secteur sensible mais porteur. Elle intervient toutefois dans un domaine fortement régulé, où l’État tunisien devra veiller à préserver l’équilibre entre attractivité économique, souveraineté sanitaire et accès équitable aux soins.
La finalisation du rachat reste conditionnée aux autorisations des autorités compétentes. Celles-ci seront appelées à examiner de près les implications concurrentielles et sociales de l’opération, dans un contexte où la santé demeure un enjeu stratégique.
Au-delà du cas Akdital, cette transaction constitue un test grandeur nature pour la capacité de la Tunisie à accueillir des investissements structurants dans des secteurs clés. Si elle aboutit, elle pourrait ouvrir la voie à d’autres opérations similaires, notamment dans les services, l’éducation ou les industries médicales.
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