L’opinion publique, chez nous, toutes classes confondues, a été focalisée, durant la semaine écoulée, sur «le religieux, le politique et le syndicalisme». C’est là, à n’en pas douter, diverses questions brûlantes.
— Primo, par l’interdiction juridique de voyage imposée à Abdesselem Jrad, le secrétaire général de l’UGTT. Devant les réactions menaçantes proférées par la grande centrale, la sanction a, tout bonnement, été annulée et cela à la satisfaction générale des masses salariales, mais à la grande surprise des juges. On aura tout vu du retournement de veste ! !
— Secundo, par un problème religieux inattendu : la question du «6e Califat» a été soulevée, tel un ouragan, lors d’un discours, dans son fief, à Sousse, de notre futur Premier ministre, Hamadi Jébali. Ce dernier s’est délié la langue et s’est laissé emporter par l’ambiance d’une assistance acquise à 100 % aux thèses fussent-elles des plus farfelues de tout haut cadre d’Ennahdha.
Et dans tout ce branle-bas, la formation du gouvernement et la répartition des postes ministériels, entre les trois grandes formations politiques issues du suffrage universel du 23 octobre dernier, ne cessent de pâtir. On s’arrêtera sur ce dernier chapitre.
Les leaders respectifs d’Ennahdha de Ghannouchi, avec ses 89 sièges raflés, du Congrès pour la République de Dr Moncef Marzouki (avec 29), et celui d’Ettakatol du Dr Mustapha Ben Jaâfar (avec 20 seulement) se réunissent en conclave pratiquement sans discontinuer, depuis plusieurs jours, afin de trouver un compromis commun acceptable, à la fois, par les uns et par les autres…
Au problème de la répartition des maroquins, particulièrement les postes de souveraineté du futur gouvernement nahdhaoui, est venu s’additionner le choix des titulaires pour un trio de postes étatiques aussi névralgiques qu’honorifiques. Il s’agit de choisir le titulaire le mieux amène de remplacer Si Foued Mbazaâ.
Celui-ci a eu le grand courage de se substituer, temporairement, à notre fuyard. Depuis le 15 janvier à nos jours, notre patriarche de président a été tout à fait exemplaire et cela à tous les points de vue. Il n’a pas dilapidé les deniers publics en s’offrant des voyages de prestige et n’a pas donné de coûteux banquets. Il n’a pas, non plus, exhibé sa vie familiale à la télé. De surcroît, il n’a jamais été question, pour lui, d’abandonner son domicile personnel pour vivre dans un des palais édifiés par Bourguiba ou Ben Ali ! C’est de la modestie à bon escient… Ce qui lui vaut d’être respecté par tous les Tunisiens sans exception.
Plus incroyable encore, le fait qu’il ne s’est jamais permis d’exhiber son épouse à ses côtés soit à la télé, soit dans nos divers journaux… Quelle différence de classe avec le couple de voyous qu’ont constitué Zine Ben Ali et Leïla Trabelsi !
Mbazaâ, c’est le genre de président qu’il faut pour la Tunisie post-révolution : un politique tranquille dont la tâche essentielle est d’ordre représentatif, localement et vis-à-vis de l’étranger. Au Premier ministre de faire marcher les rouages du pays. Nous voici plongés, d’emblée déjà, dans le système parlementaire tant souhaité par la majorité du peuple.
Dès lors, qui parmi les postulants actuels a le plus de chance d’accéder à la place si enviée au «paradis de Carthage» ? Qui, du reste, peut se prévaloir d’avoir les mêmes qualités de sobriété que si Foued, une force morale tranquille, pour occuper le «Saint des Saints», même pour une période à nouveau transitoire, d’une seule année environ ? Quoique les pronostics vont bon train, il semble, que le Dr Moncef Marzouki soit parvenu à en «dissuader» un autre docteur, son concurrent potentiel : le «beldi» Mustapha Ben Jaâfar. Celui-ci aurait la présidence de la Constituante.
Marzouki est connu en tant qu’opposant notoire à la politique dictatoriale de Ben Ali et n’a jamais dévié de ses grands principes de combattant pour la Dignité et la Liberté du Tunisien. Ne serait-ce que pour cela, il mérite toute la considération de l’establishment tunisien. Il est plausible, par ailleurs, qu’il rêvait de cette rarissime distinction, «devenir président de la Tunisie», depuis sa prime jeunesse. Toutefois, Si Moncef gagne à être moins «brouillon» et «bouillonnant», particulièrement dans ses interventions où domine, parfois, une passion démesurée.
Comme on avance, un peu partout, qu’il s’était remarié, cette fois-ci, avec une Tunisienne —afin d’être en conformité avec la législation tunisienne en vigueur pour occuper le Palais de Carthage— qu’il tire, alors, toutes les leçons des déboires connus par Ben Ali, déboires engendrés par la conduite scandaleuse de cette diablesse de Leïla Trabelsi… et de sa nombreuse fratrie dont l’avidité d’accaparer les richesses volées n’a d’égale que leur maltraitance, à tout bout de champ, des honnêtes citoyens…
M’HAMED BEN YOUSSEF – Tunis-Hebdo