Trois groupes successifs d’Ukrainiens se sont installés à Beni Mtir à partir de septembre 1947. Ils y resteront jusqu’au milieu des années cinquante. Regards sur une communauté peu connue et une page d’histoire de la Tunisie.
Parfois, les choses vous échappent et certaines traces, minuscules, parfois imperceptibles, semblent vous fuir, devenir insaisissables.
C’est le cas de cette mystérieuse colonie ukrainienne qui vécut dans les années cinquante dans la région de Ain Draham, précisément à Beni Mtir.
Il existe ainsi de rares mentions de ces Ukrainiens. Ils sont venus travailler sur le barrage de Beni Mtir, construit avec des fonds du Plan Marshall. Ils étaient dans l’attente d’un visa pour le Canada puis quitteront la Tunisie pour ce pays et aussi pour la France.
Le 3 septembre 1947, une centaine d’Ukrainiens sont arrivés à Beni Mtir en provenance d’Autriche et d’Allemagne où ils résidaient en exil. Ils seront suivis par deux autres groupes dont le dernier arrivera le 1et août 1948. On comptera ainsi jusqu’à 281 personnes d’origine ukrainienne à Beni Mtir.
Très soudé, le groupe s’organisera en communauté avec un gouverneur, un prêtre, un médecin, une école, un jardin d’enfants et plusieurs organismes.
Beni Mtir avait alors pris l’allure d’un village ukrainien avec son église et ses nombreux patronages. La vie culturelle était également organisée autour d’un ballet, d’une troupe théâtrale et d’un chœur. Des concerts et des expositions d’art avaient régulièrement lieu alors que la communauté se retrouvait unie à chaque fête nationale ukrainienne.
Puis vint le temps du départ. En juin 1953, ils n’étaient plus que 85 personnes qui peu à peu quitteront la Tunisie ou se dilueront dans le pays d’accueil.
De nos jours, il reste de cette communauté ukrainienne de Beni Mtir, une trace vivace qui prend la forme d’une reconnaissance gravée sur le marbre et apposée aux murs de l’église Saint Volodymir à Paris.
On peut y lire : « Nous remercions notre Créateur pour sa gentillesse et sa protection pendant notre séjour à Beni Mtir de 1947 à 1954 ».
Ils étaient encore vingt-cinq familles ukrainiennes à vivre à Beni Mtir en 1956 et priaient dans une chapelle qui avait été aménagée dans ce village en 1952 puis désaffectée cette même année. Elle accueille aujourd’hui, une école. On voit également dans la région, des volets repeints en rouge et noir, à la mode ukrainienne.
C’est à peu près tout ce que je sais de cette mystérieuse colonie. Dans quel cadre sont-ils venus ? Quel rapport avec la fin de la Deuxième guerre mondiale ? Certains sont-ils restés pour se fondre dans la population ou se déplacer vers les villes ?
Peu de réponses à toutes ces questions ! Ce qui me fait dire que, parfois, le chroniqueur doit se présenter face à ses lecteurs avec des interrogations en suspens et le projet de lever le voile sur ce mystère de la diversité tunisienne.
Ce n’est donc que partie remise et, peut-être qu’avec la complicité de nos lecteurs, certaines pistes seront-elles défrichées à propos de cet épisode peu connu de notre histoire contemporaine.
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Nota Bene : Cette chronique reprend et complète un billet antérieur, paru dans webdo.tn le 28 septembre 2016.